Chroniques de cinéma : Manchette pas manchot

Jean-Patrick Manchette n’était pas seulement un as du polar mais aussi un cinéphile averti. D’un côté ses écrits ont donné naissance à quelques films (dont trois avec Alain Delon !), d’un autre, il s’est coltiné quelques scénarios, pas forcément orienté vers le cinéma policier. Il a notamment collaboré à La Guerre des polices, l’un des fleurons de la fin des années 70, ainsi qu’au faussement révolutionnaire Nada (Claude Chabrol a raconté avec humour leurs relations autour de ce film).

Ne lâchant jamais la plume, devint critique de cinéma pour Charlie Hebdo et ce pendant presque deux ans (août 1979 – juillet 1981). Quelques-unes de ses chroniques (pas assez !) sont réunies dans un volume.

On y retrouve, bien sûr, le style Manchette mais aussi son envie de parler de tout et de n’importe quoi, sans forcément de rapport direct avec le film. En cela qu’il est un critique original.

Mais le romancier-journaliste n’écrivait pas pour ne rien dire. Sa culture cinématographique était incroyablement pointue, incluant le cinéma allemand et le cinéma asiatique, qui ne figurent pas toujours parmi les plus abordables. Jean-Patrick sait de quoi il parle. Il va chercher ses références très loin, les utilise à bon escient, ne mouline jamais dans le vide, argument avec des poids dans chaque main.

A travers cet ouvrage, on prend plaisir à lire ses réflexions sur Hitchcock, Welles, Lang, Ray, Von Stroheim, Godard, Kazan, Cassavetes mais aussi Pabst, Fassbinder, Wenders, Kurosawa, sans oublier Louise Brooks.

Si, par moments, Manchette tire l’analyse un peu trop loin, la plupart du temps il est pertinent, incisif et bougrement efficace. Sans en voir l’air, il donne une leçon de cinéma. Il donne aussi (mais en le voulant) une leçon aux critiques cinématographiques qui ont tendance à enfiler des perles en se gargarisant.

L’ouvrage se termine pas une intéressante interview du romancier-scénariste parlant de l’art septième (avec, entre autres, quelques anecdotes réjouissantes sur Folle à tuer d’Yves Boisset). Ici aussi, on aurait aimé en lire plus !


Philippe Durant


Jean-Patrick Manchette, Chroniques de cinéma, Payot-Rivages, "Rivages noir", avril 2015, 448 pages, 9,65 € 

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