Le précédent kosovar

Après plus de 14 ans de présence de l’Onu sur place, la situation du Kosovo n’est toujours pas résolue et moins de la moitié du pays reconnaît son « indépendance » autoproclamée. De nombreux États comme la Russie, la Chine, l’Inde ou l’Espagne s’opposent à cette indépendance car ils savent très bien ce que cela induirait dans leurs propres pays où les volontés de sécession de certains peuples pourraient s’inspirer directement de ce qui se passe à Priština. (p. 172)


Certains déplacements temporels ou spatiaux, amenant le discours en terrain neutre, permettent d’examiner à nouveaux frais des problèmes menacés par de sclérose ou d’explosions passionnelles. Les récits de guerres intestines ou d’indépendance sont propices à ces décalages.


Au-delà de l’exposé historique, cet examen du problème kosovar et de ses implications géographiques, religieuses et ethniques donnera aussi au lecteur dont l’intérêt pour cette province balkanique ne serait pas des plus aigus, l’occasion de songer que certaines occupations semblent plus justifiées que d’autres et surtout que ce précédent qui aura parfois semblé anodin donne aujourd’hui tous les arguments à certaines autres provinces pour réclamer leur propre indépendance.


L’auteur, Serbe lui-même, avance que derrière le pragmatisme iréniste de l’Otan, des intérêts stratégiques et financiers sont bien à l’œuvre (p. 132-133) et que cette paix, fondée sur la soustraction à un pays de son « cœur historique », que ni cinq siècles d’occupation ottomane ni toute la puissance austro-hongroise ne sont parvenus à conquérir, n’est que l’étouffoir posé sur un feu qui couve — ni Albanais ni Serbes n’étant décidés à laisser les choses en l’état. Ainsi, dès 1998, Bardhyl Mahmuti, porte-parole de l’UÇK, affirme : « Notre objectif final, pour lequel nous sommes disposés à combattre jusqu’à la mort, durant des siècles s’il le faut, est l’Albanie ethnique unie […] les frontières du Kosovo sont celles des terres à majorité albanaise comprises au XVIIIe siècle dans le vilayet ottoman [de Kosova] avec pour capitale Skopje ».


Quant à l’auteur, usant du même décalage que nous avons noté, il conclut par cette prise à partie : Nous vivons une ère particulière  où l’homme occidental ne connaît pas la guerre chez lui et c’est une bonne chose mais si préserver la paix équivaut à vendre son âme ou à ne plus défendre ce en quoi on croit et tolérer l’injustice alors de quelle paix parlons-nous ? Nous pourrions tous vivre en paix aujourd’hui dans un Reich ou une grande Prusse ou un califat quelconque… nous vivrions peut-être très bien mais à quel prix ? C’est parce que nos ancêtres se sont défendus que nous gardons encore notre religion, notre histoire, notre langue, nos traditions et notre pays. Alors si les résistances des Français, des Irlandais, des Suédois étaient justifiées à travers tous les siècles pourquoi celle des Serbes ne le serait-elle pas aujourd’hui ? (p. 178)

 

Nikola Mirković, Le martyre du Kosovo, Jean Picollec, 200 p., 20 €, ISBN : 978-2-86477-274-3
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