Querelle de clichés hollywoodiens

Les clichés ont la vie dure. Et cela a toujours été. Dans tous les domaines.


Ils pullulent dans le journalisme, et, quand on débute dans le métier, on s’amuse à les répertorier : la foule est toujours compacte, l’adhésion massive et le revirement spectaculaire ! Idem en littérature. Dans un passionnant ouvrage, Boileau et Narcejac relevèrent les clichés interdits pour tout roman policier digne de ce nom. Entre autres : l’utilisation d’un frère jumeau (ou d’une sœur jumelle). Cliché éculé que l’on continue pourtant de retrouver (y compris à l’écran dans Les Rivières Pourpres !).

Le cinéma n’échappe pas à cette ridicule tendance. Dans un sketch amusant, Bigard s’amusait à flinguer les clichés du cinéma fantastique (dans une maison isolée, la nuit, quand une bande de jeunes gens entend des bruits suspects, ils se séparent pour aller enquêter… au lieu de rester groupés !). Jeune amateur de cinoche, j’ai eu tôt fait repérer deux clichés qui m’amusaient beaucoup : à peine sortie de l’eau, l’héroïne sèche à une vitesse surprenante et son brushing se reconstitue automatiquement ; au réveil, dans son lit, l’héroïne est toujours apprêtée, maquillée, toute pimpante…

Pourquoi les clichés ? Parce que le cinéma n’a jamais eu pour prétention de coller à la réalité. Si tous les flics cassaient autant de matériel que dans les films américains, l’administration policière serait ruinée ! On voit rarement un héros aller faire ses besoins ni une héroïne se plaindre de règles douloureuses… Preuve en est qu’apparut un « cinéma vérité » qui n’avait pas plus de vérité que les autres mais qui prétendait montrer le quotidien tel qu’il est. Vaine tentative.

Dans ce livre, le premier cliché pointé par Allan Barte est « les héros ne galèrent jamais pour se garer. » Exact. Ridicule ? Peut-être pas. Les Américains reprochent au cinéma français sa lenteur. Si, en plus, on devait suivre un automobiliste faire le tour du quartier, exécuter un créneau, marcher jusqu’à son lieu de rendez-vous, qu’est-ce qu’on s’emmerderait !

Les clichés sont des facilités, ils sont aussi des faiblesses et il est bon de les chasser en les pointant du doigt. Messieurs les scénaristes, essayez de faire preuve d’imagination ! Ce livre (qui n’est pas le seul sur le sujet) fait preuve de salubrité.

Dans l’ensemble, les clichés réunis (une centaine) sont pertinents, même si parfois tirés par les cheveux. Pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur, j’éviterai de les citer. On peut toutefois s’amuser à en rajouter à foison : quand le méchant est à deux doigts de flinguer le héros, il y a toujours quelqu’un pour lui tirer dans le dos : quand un fugitif entre dans un bar, c’est toujours au moment précis où la télévision parle de lui ; le commissaire de police est toujours noir ; dans un polar l’homme politique est toujours corrompu (dans la vie aussi) ; la meilleure amie de l’héroïne est toujours moche…

Ce Petit Illustré porte bien son titre car chaque cliché est mis en valeur par des dessins amusants qui donnent toute sa valeur à l’ouvrage. On sourit à chaque page et on se dit que tant que les clichés auront la vie dure, Allan Barte et consorts auront du pain sur la planche. Un livre ludique autour d’un art qui ne l’est pas assez.


Philippe Durant


Allan Barte, Petit illustré des gros clichés d'Hollywood, Ed Jungle – 100 pages – 9,90 € - Novembre 2014

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