"Poison city", le manga contre la censure

Mikio Hibino, jeune mangaka, se voit offrir l'opportunité de publier, enfin, et dans le magazine qui compte, sa première histoire. Il ne vit plus que pour cela, ne sort plus de chez lui et, fort du soutien de son éditeur, se tue à la tâche. Mais le monde à changé, sans qu'il s'en aperçoive parce qu'il était tout à son art. Dans les rues, une police des moeurs détruit tel statue de chérubin parce qu'on lui voit le sexe, et la censure vient lisser toutes les formes d'art, et les manga n'y échappent pas. Le nettoyage des esprits commence par la mise à l'index des manga trop violents, ou trop crus, vendus dans des zones réservées aux livres interdits à la jeunesse, puis le poison s'empare des éditeurs eux-mêmes... Quand le jeune héros rencontre son idole, et qu'il le trouve heureux de n'être plus assidu qu'à copier des photographies pour gagner sa vie, tout s'écroule... 

« Le temps que je prenne réellement conscience de la situation, il était trop tard. Le monde ne serait plus jamais le même. »


Le climat politique est lourd, Tokyo veut donner l'image la plus lisse d'elle-même pour accueillir les jeux olympiques, quitte à perdre toute forme d'identité et à castrer les arts. Une gangue de moralisme s'abat sur la création. Et le manga que publie Mikio Hibino, Dark Walker, dont on lit l'histoire par intervalles, est le parfait exemple de ce qui est interdit maintenant. Cette histoire de zombies trop réalistes et sanglants n'est pas conforme aux nouvelles normes !
 
Rappelant les heures sombres de l'Amérique puritaine, où le Comics Code Authority a failli mettre un terme à l'industrie du Comics US, Poison city a une résonance particulière dans l'actualité  immédiate où la Liberté d'expression est malmenée et où les artistes sont soumis au diktat de politiciens sous naphtaline. L'histoire est doublée par l'expérience propre de l'auteur qui explique comment il a découvert un de ses manga mis à l'index depuis des années, sans qu'il en soit informé, et dans son propre pays. Et c'est au moyen d'un manga aux dessins incroyablement beaux et fins, sublime comme un défi aux censeurs, que Tetsuya Tsutsui envoie un signal fort pour alerter les consciences. Et qui dépasse largement la sphère du manga. Un ouvrage indispensable !

Loïc Di Stefano

Tetsuya Tsutsui, Poison city, 1/2, Ki-oon, 7,90 eur

Aucun commentaire pour ce contenu.