Eros et les surréalistes, revue Mélusine
La revue thématique Mélusine dédiée à l’analyse du surréalisme ressemble plus à un livre qu'une revue puisqu'elle se présente sous forme d'un broché d'environ 300 pages. Le numéro XXXV de mars 2015 intitulé Eros, c'est la vie, propose une étude de l'érotique du surréalisme.
Les contributeurs de la revue livrent leurs réflexions sur la façon dont les artistes et les écrivains surréalistes se sont emparés de l'éros pour nourrir leurs œuvres et s'interrogent sur la réalité d'une valeur érotique fondatrice du mouvement surréaliste.
Chacun choisit son angle de vue et nous entretient d'artistes et d’écrivains différents pour éclairer la thématique. Un pèle-mêle enrichissant qui dessine la cartographie de l'érotique surréaliste, les objets, l'humour eroticonoclaste de Magritte, le lexique érotique, les fantasmes zoomorphistes de créatrices surréalistes, le discours du corps dans les textes de Julien Gracq, la peinture automatique, André Breton le freudien enthousiaste...etc.
En préambule, Sarane Alexandrian, dinosaure du surréalisme, ainsi qu'il l'écrit, explique pourquoi, selon lui, l'érotisme contrairement à ce qui se dit communément n'a pas été une valeur revendiquée par le surréalisme à ses débuts. Très peu de mention de ce terme ( 3 ou 4 ) dans les écrits et les manifestes surréalistes jusqu'à la fin de la dernière guerre mondiale. C'est en 1923 que Robert Desnos utilise pour la première fois le mot érotisme quand le couturier Jacques Doucet lui commande un plan d'achats pour une bibliothèque érotique. Et lorsque Aragon publie discrètement le Con d'Irène, il ne le considère pas comme un livre érotique.
Sarane Alexandrian
précise que cette absence de notion érotique revendiquée
n'empêche pas les surréalistes Breton, Queneau, Prévert, Peret … de discuter
passionnément de sexe, de perversions, de masturbation, de jouissance, mais plutôt dans l'esprit de recherches sur la
sexualité.
La deuxième apparition du terme érotique chez les surréalistes, c'est sous la plume de René Char qu'on la trouve, dans son texte 'L'esprit poétique" où il nomme la chose : "Les statuts de l'érotisme. Apprends-moi à tuer, je t'apprendrai à jouir" et c'est ainsi , nous dit Sarane Alexandrian, que Dali apprend ce mot...
Ce n'est que lors de l'Exposition Internationale du Surréalisme à Paris en 1938 qu'on peut lire dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme "Érotisme : Cérémonie fastueuse dans un souterrain". Et voilà l'érotisme inscrit dans les valeurs fondamentales du surréalisme, 14 ans après la naissance du mouvement.
Mais il faudra attendre l'Exposition de 1959 pour que se
profile un autre courant qui revendique l'érotisme différemment, comme une synthèse de l'amour et de la
sexualité.
La revue permet de cerner au
plus près la vision internationale de l’érotisme
des surréalistes, de se remémorer ce qui
opposait Breton, Aragon et Breton, mais aussi de rappeler que l’érotisme
revendiqué par les surréalistes n’avait
rien à voir avec la grivoiserie.
Anne Bert
Site Melusine sur le surréalisme
Collectif, Eros, c’est la vie ! Revue Mélusine N°XXXV, Editions L’Age d’Homme, 2015, 320 pages, 29 euros
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