Gérard Depardieu, mon frère

Ne nous y trompons pas : il s’agit bel et bien de l’autobiographie d’Alain Depardieu. Homme de cinéma lui aussi mais côté coulisse puisqu’il débuta comme régisseur – non grâce à son frère mais grâce à Roman Polanski  avant de passer à la production.

L’ouvrage aurait d’ailleurs très pu s’intituler Alain Depardieu, le frère !

L’auteur parle beaucoup de lui, et c’est normal.

En racontant son enfance, il raconte forcément celle de son frère cadet promis à un destin peu banal. Puis leurs routes se sont séparées pour se croiser de temps à autre grâce à un univers commun : le cinéma. Alain avoue que ses croisements sont de moins en moins fréquents car chacun vit sa propre vie. D’autant que, quand ils se retrouvent, les deux frères n’ont rien à se dire s’étant déjà tout dits !

Il y a donc, dans ce livre, la famille Depardieu (essentiellement parents et grands-parents, très peu les autres frères et sœur). Et dans cette famille, il y a le frère. Un Gérard encombrant et difficilement cernable. Y compris par son aîné. Qui écrit à la fois : « Chacun connait l’autre mieux que soi-même » (p 194) et « Vous ne connaissez pas Gérard. Personne ne le connait. Personne ne le connaîtra jamais ! » (p 199) De toute façon, l’acteur restera éternellement hors norme, hors classement, hors tout. Il résistera à toutes les analyses, tous les étiquetages. Ce qui fait sa force, son originalité, son talent.

Alain avance néanmoins une théorie sur le comportement de son frère : son enfance. Non seulement le Gégé fut voyou (bien qu’Alain reste un peu flou sur la réalité de cette voyoucratie) mais, surtout, livré à lui-même du fait de parents absents et de voisins peu conciliants : « Les Depardieu sont des gens du peuple qui auront tort, quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent. C’était déjà le cas à Châteauroux [où ils grandirent]. On nous vilipendait. On nous regardait de haut. On nous évitait. » (p190) Gérard Depardieu, éternel rebelle ? C’est une théorie qui tient la route et qui semble correspondre à une partie de sa personnalité.

Car – et c’est la véritable originalité de ce livre – Gérard a toujours été double : capable du pire comme du meilleur, d’élans de générosité comme de rejets catégoriques. Impossible de prévoir ou de deviner. Ce n’est plus Dr Jekyll et Mr Hyde, c’est Hulk ! Explosions inattendues mais garanties destructrices. C’est ce Gérard là qu’Alain a toujours connu et qu’il décrit avec précision, tout en s’efforçant de le défendre parce qu’un frère c’est aussi fait pour ça.

Pour le reste, l’auteur raconte quelques tournages partagés avec l’acteur (pas assez, hélas !). Il se penche notamment sur le cas Danton et l’attitude tu réalisateur Andrzej Wajda vis-à-vis de son interprète principal.

D’autres films (sans Gérard) sont évoqués dont l’étonnant Armaguedon marqué par l’opposition entre deux autres Alain : Delon acteur et Jessua réalisateur. On eut aimé en savoir plus !

Ce livre constitue, donc, une pierre supplémentaire sur l’édifice Gérard Depardieu, qui est en passe de devenir le deuxième acteur français (après Louis de Funès !) sur lequel ont été publiés le plus de livres ! Ce qui tend à prouver qu’il est un homme mystère, une énigme, un puits que l’on ne cesse de sonder. Trop imposant pour être totalement éclairé par un seul projecteur. Le livre de son frère constitue une source lumineuse supplémentaire qui met en lumière un aspect méconnu de notre Gérard national (même s’il possède un passeport russe).

Ne reste plus qu’à Alain Belmondo – homme de cinéma passé par la régie avant de se lancer dans la production – qu’à écrire un livre sur lui et son célèbre frère !


Philippe Durant 


Alain Depardieu, Mon Frèrel’Archipel, avril 2015, 212 pages, 17,95€


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