Toute une vie bien verticale, l’aventure humaine de Manuel Daull

Je suis fatigué de l’usage de la parole au quotidien, avoue à la page 108 l’un des protagonistes de cette histoire banale qui ne l’est jamais dès lors qu’il s’agit d’amour. Banale comme toute aventure humaine commencée de manière bancale, portée d’entrée de livre par la voix de la jeune femme, enfermée entre quatre murs pour avoir franchi la ligne jaune, enfance difficile, drogue, puis rébellion devant un homme un peu trop insistant… Fuite ailleurs, rencontre improbable dans un train, hôtel pour un amour trop vite consommé, pause involontaire en attente de… Godot ? Qui ne viendra jamais, réminiscence(s) et affirmations d’être unique ; mais envie d’un partage et d’un autre possible ; acceptation de suivre l’homme, partir encore, alors, avec lui (ou un autre, finalement, quel importance ?) ; saveur des corps, des peaux, amour physique en miroir d’autre chose, mais quoi, finalement ? Le sait-elle réellement ou feint-elle d’oublier les malheurs d’antan dans une course folle vers l’avenir. Personne ne sait de quoi demain sera fait, alors, quitte à y aller, autant mener sa barque que de subir. Autant demeurer debout face à l’adversité… Mais plier aussi peut être une victoire, non pas à la Pyrrhus, au contraire, un bon consensus serait synonyme d’absolu… Elle s’y contraint.

 

Toujours est-il que l’homme peut donc être fatigué de la parole au quotidien, et ne rêver que de nuits éternelles au contact de sa peau à elle, peau contre peau contre peau, encore, toujours, peau contre peau et c’est là, c’est ça, « ce corps comme un véhicule de leur attente » : ce ne serait (que) ça, l’Amour ? Le sentiment d’être arrivé, de ne plus avoir à choisir la destination, seule la direction compte, y aller à deux, dans l’harmonie d’un possible ensemble quel que soit les contingences et l’environnement ; y aller seulement. Bien vertical dans l’aboutissement.

 

Une langue élancée – poésie en prose, prose poétique – une langue imagée et lancinante, parfois un peu (trop) lente, répétitive, mais cela participe aussi au rythme, au déploiement de l’histoire ; et les photographies de Stephan Girard, sensuelles, évaporées, d’un noir et blanc mat où le brouillard s’invite, les yeux pétillent, les charmes s’épanouissent, apportent une respiration indispensable à la lecture qui noue la gorge ou ferme les yeux de trop d’avoirs à digérer. Un livre à vivre, finalement. Toute une aventure humaine enchâssée dans une couverture cartonnée.

 

François Xavier

 

Manuel Daull, Toute une vie bien verticale, avec des photographies N&B de Stephan Girard, 140x220, L’Atelier contemporain, octobre 2015, 152 p. – 15,00 €

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