La Djouille de Jean Pérol est fataliste

Un poète n’est pas toujours un bon romancier. Prix Mallarmé et prix Max Jacob, Jean Pérol est donc reconnu aux pays des vers. La prosodie romanesque y gagne, cette fois. Une langue portée par la colère. Non pas vaine mais brillante. Fruit d’une lucidité teintée d’ironie… Et il en faut du recul pour demeurer serein à Kaboul. Lui qui dirigea la mission pédagogique en Afghanistan (1978-1980), il eut bien le temps de scruter le temps qui passe. La vie qui s’écoule dans la djouille afghane. Ce sera plus bien plus tard, du fin fond des Cévennes, que ce vieux prof revenu de tout, désabusé, laissera les souvenirs remonter à la surface. Quand il s’était exilé. Désert d’Asie pour fuir la vie d’ici. C’était au début de la révolution. Encore une chimère. Utopie vite remise à plus tard sous le joug de l’invasion soviétique. Mais Justine lui permit de ne plus voir les horreurs. Un amour flamboyant qui efface tout. Puis la séparation. Car il y a toujours une séparation un jour l’autre. Retour dans ce coin paumé de la France. Seul pour mieux combattre ses souvenirs brûlants. Jusqu’au jour où.


Fabien débarque. Trop âgé pour bricoler sérieusement il fit appel à un jeune lycéen. Le vieux professeur s’amuse à l’observer. À se revoir plus jeune. Il constate que Fabien s’éprend de la jeune Clara. Découvre qu’elle n’est pas du même milieu social. Révoltes en devenir. Maladresses en légions… Les récits se maillent. Les voix se nouent. Dans la gorge aussi. Le lecteur laisse son ventre se crisper. Et l’Afghanistan, toujours. Là-bas aussi le jeune Fabien fuit. S’embourbe. Assume cette folie d’un soir : que ne ferrions-nous pas par amour ?!


Si les guerres se modifient techniquement, les hommes, eux, meurent toujours pour rien. Et ce sont plutôt les pauvres qui en paient le prix fort. Combien de latinos dans les rangs US pour le seul bénéfice d’une green-card au retour ? C’est aussi la beauté du monde qui sauvera l’humanité. À en croire Jean Pérol. Ou son absolu désespoir : trop triste pour se battre, les Hommes ? Un jour l’autre sans doute. Ou alors séduits par le fondamentalisme, ils s’entretueront jusqu’au dernier ?


Annabelle Hautecontre


Jean Pérol, La Djouille, La Différence, août 2014, 272 p. – 20,00 €

1 commentaire

Jean Saisdeschoses

je vous découvre  avec ce livre  que j'aime ABSOLUMENT, tout ce que vous dites et la façon dont vous le dites....Evidemment ...je me reconnais, fille de deportée(non juif), baroudeuse, encore un peu cineaste  et nouvellement mosaïste....si vous acceptez de m'envoyer votre mail, nous pourrions échanger une foultitude de choses!

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