Esthétique de l'éjaculation
Je vous ai déjà présenté La collection Borderline des éditions Le Murmure (Nécrophilie, un tombeau nommé désir) qui explore tous les tabous pour en démêler des tenants et des aboutissants souvent obscurs.
Avec l’essai Esthétique de l’éjaculation , Antonio Dominguez Leiva propose de comprendre comment dans notre société occidentale, l’éjaculation est passée du tabou le plus condamné à la foutromanie la plus décomplexée. La honte de l’éjaculation ailleurs que dans le ventre de la femme a cédé la place au flux anarchique victorieux, garant de la jouissance et de la virilité (ou de la jouissance de la virilité).
Mais, à vrai dire, si lire cette chronique vous gêne, c’est que paradoxalement, le tabou résiste…
Cet essai passe en revue toutes les aberrations qui ont fait
le berceau du tabou et brosse un tableau du flot hardcore actuel bien
phallocentrique, en insistant aussi sur
son business. Parce que l’éjaculation, c’est souvent... très juteux.
Aujourd’hui, que ce soit dans le cinéma porno ou en
littérature érotique, non seulement le point d’orgue du plaisir est toujours représenté par des jets de sperme, mais il se doivent d’être généreux et même
monstrueusement généreux, véritables geysers qui fusent et se répandent, bien visibles sur
le corps des femmes (ou des hommes) le
summum dans les films porno ou
dans l’imaginaire érotique , étant de viser le visage.
Viser. Voilà bien, au commencement du tabou, ce qui obsédait
l’église médiévale et les manuels des confesseurs. Il fallait ne viser qu’un seul endroit. La semence
masculine était exclusivement destinée à
féconder la femme, donc à être versée dans le vagin et nulle part ailleurs.
Cette histoire de bon réceptacle a hanté
les siècles et les consciences. Antonio Dominguez Leiva rapporte de bien
curieuses convictions reléguant l’éjaculation en pure perte à l’horreur
absolue. La masturbation, la fellation, la sodomie et autres réjouissances étant
bien entendu condamnées aux pires punitions. Gicler ailleurs que dans le vagin
était un infanticide, un crime(St Thomas d’Aquin).
Puis Sade a donné le la
en célébrant des éjaculations vésuviennes. Antonio Dominguez Leiva cite Alain
Corbin qui évoque le héros sadien : « L’homme en fureur oriente
le foutre vers le visage, la bouche, le cul de la fille ou du giton ; au
besoin, il l’éparpille dans la pièce, voire dans l’escalier ». On assiste
là, dit l’auteur de l’essai, à l’esthétique
naissante du sublime, même si la littérature bourgeoise préférera revenir aux
joies des cons qui dégorgent.
A vous maintenant de poursuivre l’étude des épanchements de nos
amis les hommes dans cet essai au petit format très documenté (47 pages). Cet essai concerne tout le monde et vous ne devriez pas être déçu, Antonio Dominguez Leiva écrit de façon plaisante avec des formules, dans
le contexte, souvent drôles, et la concision du propos n'exclut pas la richesse.
Anne Bert
Antonio Dominguez Leiva, Esthétique de l'éjaculation, édition Le Murmure, novembre 2012, 47 pages, 7 €
2 commentaires
Foutre! quelle belle chronique! Ce livre jouissif mérite d'être sponsorisé par kleenex! Le sujet est passionnant, car la pratique est fort répandue ( et pas seulement dans les escaliers).
Par contre, 47 pages..... L'auteur s'est manifestement économisé la main. Serait il un fiéffé branleur? Son opus-cule est nettement trop court pour une masturbation intellectuelle réussie...
On ne peut que souhaiter, en ces temps d'égalité des sexes, un tome II dédié aux éjaculations féminines, sujet que nous avons tous, nous les hommes, soif d'approfondir!
@ Proutch : Oui, certes, c'est un peu court...je vous l'accorde, d'un autre côté comme je le disais sur mon blog, on ne va pas faire 500 pages sur un giclée fut-elle de divin nectar...