Raymond Federman et son double

 

Quitte ou double est un roman clef de l'oeuvre de Raymond Federman, souvent appelé le roman des nouilles car le narrateur un homme joueur, irresponsable, célibataire, paranoïaque, écrivain potentiel décide de s'enfermer 365 jours pour écrire son livre.

Modèle de la "surfiction" federmanienne, Quitte ou double met en place deux postures narratives. Le narrateur veut relater les faits et gestes d'un individu. Pour cela il a décidé à s'enfermer 365 jours afun d'écrire une année de la vie de ce jeune garçon juif arrivé en Amérique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il a quitté la France pour l'Amérique "the land of opportunities" grâce aux finances de son oncle, qui lui-même était parti pour l'Amérique face aux nazis.

Raymond Federman compose un texte tour à tour amusant et désespérant, où nouilles, papier toilette, pâte dentifrice, métro et chaussette pleine de dollars deviennent les pierres de touche de la découverte de nouveaux continents : l'Amérique, et la littérature. D'où ce roman multiforme entre le "je" et le "tu" en feignant que l'un est chantre et l'autre lutrin ou lutin sorti de diverses affres et qui contemple le présent empêtré dans la glu du passé.

Ce roman permet dans ce double "je" et jeu de penser par des réponses non arrachées à des questions, le monde au moyen des mots et au risque de se retrouver devant la réalité crue, au terme d'une exploration de la langue là où tout se déplace  dans ce tour de force espiègle et étincelant. Reprenant toujours une même histoire  de livre en livre, il compose un texte drôle et désespérant qui abuse volontiers de voix apparemment étrangères dans les franges de divers temps.

Jean-Paul Gavard-Perret

Raymond Federman, Quitte ou double, Leo Scheer, 2011

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