Cette beauté qui s’en va, Matthieu Berthod la (dé)peint magistralement

Les quarante-huit heures passées à Martigny pour (re)découvrir l’exposition Renoir m’avait retourné, et cela n’avait rien à voir avec le sujet de mon déplacement professionnel, car ce fut le retour sur des terres oubliées, des territoires d’enfance où le bonheur de courir dans les champs et l’insouciance du quotidien, dans cette Suisse francophone et douillette, encore à l’échelle humaine et sans prédateur, qui me revint à la mémoire dès que je descendis sur le quai de la gare de Lausanne pour prendre ma correspondance. Alors quand le narrateur de cette BD s’émeut dans le train qui le ramène vers le canton de sa naissance, le Valais, je sais parfaitement à quelle intensité son cœur s’est soudain mis à battre, combien son ventre se serra dès les premiers contreforts des Alpes aperçus…

 

C’est en vivant en ville que l’on comprend la chance extrême de pouvoir habiter en dehors, dans cette campagne décriée dans les diners en ville mais si obligatoire pour recouvrer un peu de joie de vivre, un peu de sérénité, car seule la beauté peut, à défaut de nous sauver, nous aider à continuer à marcher sur la tête en vénérant le libéralisme…

 

D’ailleurs, quand le narrateur qui, au cours de ses quatre visites à une amie gravement malade, s’épanche sur la détérioration du paysage, les anciens lui répondent qu’il faut bien donner du travail aux gens, et qu’ainsi l’on justifie les usines, les barres d’immeubles qui viennent s’agglomérer le long du fleuve qui serpente quand une politique autrement réfléchie pourrait donner un autre urbanisme.

 

Entre le roman graphique et la bande-dessinée traditionnelle, cet album poétique ironise sur la vision idéale d’un devenir impossible. La narration poétique permet d’aborder quelques sujets difficiles sans ternir le propos ni dénaturer le dessein : une quête au cœur de l’histoire où la culture et l’amitié, cultivées avec assiduité, offrent une option quand tout semble vouloir partir à vau-l’eau.

 

François Xavier

 

Matthieu Berthod, Cette beauté qui s’en va, BD cartonnée tout en couleurs, 170 x 240, Les Impressions Nouvelles, mai 2014, coll. "Traverses", 128 p. – 18,00 €

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