Benjamin Lacombe sublime Alice

Tous ceux qui suivent la carrière de Benjamin Lacombe attendaient avec impatience que celle qui figure régulièrement comme personnage passant à travers ses compositions, Alice, ainsi que cet extraordinaire lapin blanc, trouve enfin sa pleine place dans son œuvre. C'est chose faite, à l'occasion du 150e anniversaire de la publication originale d'Alice au Pays des Merveilles et de la publication aujourd'hui de sa version. 

Les illustrations sont de vraies merveilles, on sent un artiste inspiré et qui retrouve le sujet qui sans doute le hante depuis ses premiers dessins. Des doubles pages où il peut installer les grands moments en laissant son trait s'épanouir sans contrainte. Lacombe renouvelle l'imagerie traditionnelle d'Alice en la faisant entrer de plain pied dans son propre univers, gothique et tendre à la fois, et en réussissant à signaler son respect des prédécesseurs illustres qui ont contribué à la légende d'Alice. On retrouve les grandes scènes, et toujours Alice a un regard triste et profond, cherchant cette mélancolie carrolienne que ne corrompt pas les facéties ni les aventures, cette mélancolie qui naît avec cet âge où l'on quitte lentement a légèreté pour découvrir le monde du travail (les devoirs) et des responsabilités. 

Le livre est un objet précieux, très bellement imprimé et qui se déplie sur de grandes pages intérieures pour dévoiler toutes belles de grandes illustrations, toujours en accord avec la scène, comme Alice au long cou ou une longue jambe. Les grandes illustrations (où Lacombe est magistral dans son utilisation des ombres et d'un sfumato qui crée une épaisseur et une richesse des lignes hors normes) alternent avec de très nombreux "petits croquis" en noir-blanc-rouge qui parsèment les pages. 

On trouvera en annexe des lettre de Lewis Carroll à Alice Liddell (la "vraie" Alice), ainsi qu'une très pertinente notice d'Henri Parisot sur sa traduction, celle qui fait référence notamment pour la transposition des jeux de mots. 
On pourra regretter, en revanche, que Benjamin Lacombe se "contente" de reprendre dans la préface les informations factuelles tirées de la préface à l'édition d'Alice du grand traducteur Henri Parisot pour la collection "Bouquins" chez Robert Laffont, sans ajouter ce qu'on pouvait espérer, sa lecture personnelle de cette œuvre si singulière alors qu'il a réussit à si bien la faire sienne dans ses dessins. 


Loïc Di Stefano

Benjamin Lacombe, Lewis Carroll, Alice au Pays des merveilles, traduction d'Henri Parisot, Soleil, "métamorphoses", décembre 2015, 29,95 eur

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