L’exil recommencé de Mahmoud Darwich prendra-t-il fin un jour ?

À croire que c’est une habitude régionale : Israël vient de s’exiler de l’UNESCO, en quelque sorte, effet automatique de son arrêt brutal de participer au pot commun (avec son allié étatsunien) en 2011 lors de la reconnaissance officielle de l’État de Palestine comme membre à part entière de l’organisation onusienne. Le 12 novembre 2013, à l’occasion de la Conférence générale de l’UNESCO, la procédure a donc abouti puisqu’un pays qui est en retard de sa contribution est automatiquement privé de son droit de vote.

Mais cet exil volontaire et à simple visée politique (et simpliste) n’est en rien comparable à l’exil forcé que les Palestiniens subissent depuis plus de soixante ans ! 

 

Cette anthologie de textes (avec extraits ici) en prose (articles, éditoriaux, chroniques & discours) qui ont paru entre 1971 et 2007 sont sans compromis, comme Mahmoud Darwich l’a toujours fait, n’hésitant pas à appeler un chat un chat, quitte à se faire aussi des ennemis dans son propre camp… Il oppose donc – bien au-delà de cette littérature qui l’habite et fait que ses textes sont toujours d’une admirable beauté – à l’image déformée que se font la majorité des gens de la situation actuelle, une analyse et un panorama exhaustif et objectif, n’en déplaise à certains.

 

Oui, personne ne revient. Personne ne revient exactement à celui qu’il était et là où il était. L’on ne revient que collectivement ou métaphoriquement. Et la question du retour n’aura sans doute jamais de réponse tant que l’on favorisera l’arrivée des colons en lieu et place des Palestiniens de souche… Faut-il alors en appeler au temps pour effacer les blessures ? Mais ce dernier ne joue-t-il pas contre les Palestiniens, se demande Darwich : Parmi les paradoxes spécifiques de notre vie transitoire, le fait que chaque fois que se multiplient les procédures du "processus de paix", le niveau de nos interrogations, fondamentales ou modestes, baisse et notre sentiment d’être occupés s’enracine. Notre terre libérée est mise en cage et elle nous devient plus étroite.

 

Il faut continuer à lire Mahmoud Darwich au-delà de sa poésie et ces textes poignants participent à rétablir une vérité trop souvent bafouée par des médias aux ordres. L’état d’esprit de qui souhaite aborder le sujet doit être, soit vierge, soit totalement informé, et ne pas accepter, consciemment ou non, qu’une mainmise totale soit faite sur la terre et l’histoire sous le prétexte qu’un seul serait l’unique dépositaire, dans les faits comme les textes voire les fouilles archéologiques, d’une terre dont jamais personne n’a pu démontrer qu’elle était inhabitée. Car la transformation de cette obsession en une politique qui fonde la paix sur l’évocation d’un fantôme rien que pour en célébrer la disparition, en droit et en légitimité, vide la pièce qui se joue de tout contenu…

 

Messieurs les Israéliens, vous ne ferez jamais la paix en niant l’Autre. La paix n’est ni une prison ni un camp de détention. La pouvoir n’est pas un syndicat national en charge de la gestion des affaires des détenus. La patrie n’est pas un paysage pour une visite passagère.

 

Il n’y a aucun retour en arrière possible, rappelle Mahmoud Darwich, aussi les thèses validant un État palestinien dans les frontières de 1967 sont une hérésie. Le morcellement des terres par le jeu pervers des colonies a mis fin à ce rêve. Demeure donc l’état binational (défendu récemment par Eyal Sivan, et quel qu'en soit le nom puisque le concept est de tout mettre en communmais comment faire pour que l’ennemi que [les Palestiniens ont] changé en adversaire devienne le partenaire de [cette] marche en avant ? Laïcité et fin du mythe d’un Israël ethniquement pur pour aborder ENSEMBLE un projet commun qui sera capable de distinguer ce qui est humaniste et ce qui est raciste dans la culture de l’Autre, capable de percevoir ce que les êtres humains ont en partage, pour [que Palestiniens et Israéliens puissent] y développer [chacun leur] présence vivante et spécifique, libérée des complexes d’infériorité [ou de supériorité] et du repli sur soi.

 

Inch’Allah.

Ip’ha mistabra.

 

François Xavier

 

Mahmoud Darwich, L’exil recommencé, articles traduits de l’arabe (Palestine) par S.E. Elias Sanbar, Actes Sud, octobre 2013, 192 p. – 23,00 €

 

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À noter pour nos lecteurs du Sud, que le 19 décembre, au MuCEM (détails dans le lien), à Marseille donc, aura lieu un récital en l'honneur de Darwich.