Empty, ou l’art du rien

Jusqu’où aller trop loin ? Maxime désormais pérenne du monde interlope de l’art contemporain ici replacée dans l’œil du cyclone d’un vaudeville nouvelle génération. C’est Feydeau au pays de Sotheby’s… Souvenez-vous, il fut jadis peint un carré blanc sur fond blanc et Yasmina Reza en a tiré le sulfureux Art. Mamadou Mahmoud N’Dongo, déjà connu de nos services et fiché pour délit d’écriture et délicieuse irrévérence romanesque (La géométrie des variables, Remington, Les corps intermédiaires) s’accapare une célèbre performance de la fin du XXe siècle mettant une artiste huit heures assise sans bouger ni parler face à un public en mouvement – dénonciation du vide ? supercherie ? – pour donner le ton de sa première pièce de théâtre.

 

Profitant du postulat de départ pour changer les repères et pousser le curseur encore plus loin, N’Dongo enferme quatre personnages dans un loft, au vingt-deuxième étage d’une ville moderne occidentale, et les livre à leurs funestes instincts.

Sasha Ganz, hautaine et persifleuse, reçoit ses hôtes, la veille de l’inauguration de la grande rétrospective qui doit la consacrer : Omar Wade, jeune poète prétentieux, joue au pédant en faignant de croire que citer et se diminuer lui confère une certaine (fausse) modestie ; Christina Finck, critique d’art névrosée en mal de reconnaissance n’oublie jamais de soigner la chute en assortissant ses compliments au fil de l’eau et surtout Lars Ekman, son ex-partenaire mais surtout ex-mari, qui ne tarde pas à pontifier tant sa frustration l’étouffe.

 

En vingt scènes comme autant de coups de revolver, les dés sont jetés, rebattus et affichés sur le grand tableau noir de la lucidité intronisée au cœur du perfide royaume de l’art contemporain démasqué… Tartuffe déambulant chez Jeff Koons n’aurait fait mieux, le rideau de scène s’enflamme de ces contraires qui s’attirent et tendent, finalement, vers le même but : être là où cela se passe. Quelle que soit la vacuité offerte en guise de sésame.

Mais figurer sur la liste, au cœur même de toutes les attentions, a un prix. Bien trop élevé.

Plus dure sera la chute… dans le vide.

 

 

François Xavier

 

Mamadou Mahmoud N’Dongo, Empty, La Cheminante, octobre 2014, coll. "Harlem Renaissance", 120 p. – 16,00 €

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