La conjuration primitive de Maxime Chattam

« [...] ne sous-estimez pas le pouvoir de la violence. Elle vous fait parfois commettre des actes insensés. Tout comme les fantasmes. Ils obéissent à des lois profonde, qui défient la logique, le bon sens. » 

Très régulièrement, Maxime Chattam promet à ses lecteurs nombreux de visiter les profondeurs du mal. Avec La Conjuration primitive, il poursuit sa plongée dans les horreurs dont sont capables les hommes en franchissant un nouveau pallier, celui de l'organisation sociale des psychopathes. Et si, par la force de persuasion d'un leader charismatique, les tueurs en série, pédophiles, et autres rebuts de la société se regroupaient, formaient eux-mêmes une contre-société où leurs règles de violence pouvaient avoir libre court ? Et si les forces du mal s'unissaient pour faire avancer l'humanité vers un nouveau stade d'évolution, retrouvant la cruauté primitive qui fit, pendant 99 % de son développement, la force de l'humanité...

« Individuellement, ils étaient une menace pour nos familles. Mais collectivement, ils sont devenus une menace pour tout notre système. »

L'action débridée envoie la brigade de gendarmerie chargée de l'enquête — trio attachant formé d'Alexis le profiler né, de Ludivine et de Segnon — de France en Pologne, en Ecosse, au Canada, à la poursuite de tueurs particulièrement ignobles qui se signalent d'un *e mystérieux et visible sur les murs ou sur le corps des victimes, comme si ceux qui habituellement agissent seuls pour libérer leurs pulsions avaient trouvé un intérêt commun... Avec une violence allant crescendo, une "imagination" des tueurs qui se libère de toute contrainte et propose des scènes parfois terribles et des morts souvent insoutenables, la brigade cerne une assemblée démoniaque qui n'aura pas fini de faire trembler le lecteur, et de le surprendre toujours un peu plus. 

Le roman de Chattam est un texte largement référentiel à Thomas Harris, comme un hommage plus que comme le plagiat de plusieurs scènes : la scène d'ouverture et la personnalité du profiler Richard Mikelis sont directement prise dans Dragon rouge et Will Graham, tout comme une allusion à un tueur perché sur un arbre pour observer les familles ou à un manteau de peau… ; la scène d'affrontement entre Ludivine et l'un des conjurés est directement inspiré de la rencontre finale entre Clarice Starling et le tueur... Est-ce un indice laissé pour nous guider par Chattam que la playlist qui indique la musique du Silence des agneaux comme fond sonore de l'écriture de ce roman ? 

Malheureusement, comme dans la plupart de ses romans, Maxime Chattam a deux défauts. D'abord, il écrit trop vite, ce qui fait que le roman est truffé de répétitions, de laideurs stylistiques : mais il vise le rythme, pas la minuterie de précision, et il excelle dans son genre, et la plupart de ses lecteurs ne s'attacheront pas à ces finasseries de critique. Ensuite, il ne sait pas finir un roman, ce qui est plus gênant, et la Conjuration primitive en est un triste exemple, même si la sonnerie de la cavalerie finale, et l'arrivée d'un sauveur sortie d'un chapeau magique, n'est qu'un petit bémol dans la qualité générale de l'ouvrage. Chattam sait tenir son lecteur, l'oppresser et lui faire vivre en frissonnant les effroyables délires de ses psychopathes en liberté.

Loïc Di Stefano

Maxime Chattam, La Conjuration primitive, Albin Michel, mai 2013, 459 pages, 22,50 euros

3 commentaires

Un immense écrivain qui me fascine et m'inspire. Une plume si fluide qui nous enmène vers les profondeurs de l'imaginaire ou parfois vers  une  terrifiante réalitée..je viens de découvrir une autre facette " La conjuration primitive " bientôt je pense dans ma bibliothèque...

Merci.

 

 

Il a en effet une imagination et une écriture très prolifique, mais il laisse aussi parfois l'impression d'écrire "trop vite" et de manquer d'habilité pour ses fins. En plus, fils de son époque, il recycle beaucoup, d'un cycle l'autre (jeunesse / adulte) certaines de ces idées phares, ce qui fait que parfois on a l'impression de lire plusieurs fois le même livre (notamment autour de ses théorie GAIA). Mais peut-être sont-ce là des réflexions d'un jaloux qui aimerait écrire comme lui !

En ce qui me concerne, la 1er trilogie qui l'avait fait connaitre était la meilleur. Ensuite j'ai trouvé le reste de ses oeuvres bien médiocre......