Michael Siefener, Albert Dunkel, Écrivain de génie, tueur en série : remake de M. le maudit

Voici un vrai roman. Pathétique et sanglant, il semble sorti des papiers d’E.T.A. Hoffmann, et pourtant il suscite irrésistiblement un sourire sardonique, car la plume de l’auteur évoque celle d’un Daumier saisi par le délire. C’est l’histoire d’un adolescent malmené par la vie, qui commence par écrire des poèmes malsonnants et sinistres. Exemple :

 

« Des putes promènent leurs ventres crevés sur le Rhin,

Des rats et des vers y creusent leurs rêves… »

 

Joli, non ? L’adolescent, Albert Hell, quitte le foyer familial pour l’amour de la belle Dagmar. Il prendra le pseudonyme de Dunkel – si vous ne parlez pas allemand, hell signifie « clair » et dunkel « ténébreux » – pour signer son premier roman, L’Ange de l’enfer. Celui-ci est inspiré des exploits du tueur en série de Hanovre, dans les années 1920, Fritz Haarmann. Michel Siefener, pour sa part, se paie une tranche des critiques littéraires allemands, notamment ceux du Frankfurter Allgemeine et du Frankfurter Rundschau, dont il a fabriqué des textes apocryphes savoureux. L’Ange de l’enfer connaît, en effet, un grand succès. Il faut dire que Siefener a chargé l’intrigue : Haarmann est, en fait, un personnage constitué de deux tueurs, dont un homosexuel qui jette son dévolu sur de jeunes garçons qu’il égorge et dépèce. Passons sur les détails.

 

Le succès de son roman passé, Dunkel sombre dans la névrose. Son comportement devient pathologique et pis quand son roman suivant, Les Mille yeux du cauchemar, est mal accueilli. Dagmar le quitte. Il se change en vagabond fou et barbouille de peinture rouge les murs de ses logements. Puis, quand de nouveaux locataires emménagent dans un appartement qu’il a quitté, horreur…

 

Ne gâchons pas le plaisir des lecteurs, car ce roman-là en mérite. Avec un bon metteur en scène, et un très bon acteur dans le rôle de Dunkel, ça ferait un grand film gore de chez gore, comme on dit, une sorte de remake de M. le maudit. Croyez-le, nous avons beaucoup souri.

 

Gerald Messadié

 

Michael Siefener, Albert Dunkel, Écrivain de génie, tueur en série, traduit de l’allemand par Élisabeth Willenz, Serge Safran, janvier 2013, 235 pages, 19 €

 

Aucun commentaire pour ce contenu.