De la fragilité des rapports humains : la surprenante post-apocalypse du « Vongozero » de Yana Vagner

Les Editions Mirobole font leur rentrée littéraire avec, pour mon plus grand plaisir, un nouveau roman russe, et une fois encore, on ne saurait que louer cette jeune maison qui s’aventure sur des territoires aussi inexplorés que riches. Vongozero est une prouesse à plus d’un titre et l’on conseillera chaleureusement à l’amateur de romans mêlant le psychologique à l’action de se précipiter dessus.

     Reprenons du début. Yana Vagner est présentée par l’éditeur comme une jeune femme à la carrière variée, dont Vongozero est la première excursion romanesque. Initialement publié sur le blog de son auteur, il a connu un tel succès qu’une édition papier s’en est suivie. Et de fait, il y a un côté addictif dans ce récit à l’intrigue plutôt simple : une épidémie dont le lecteur ne saura pas plus que les personnages, c’est-à-dire presque rien, décime la planète. Bientôt plus aucun service d’ordre ou public ne fonctionne et Anna, la narratrice, ainsi que quelques proches (son mari, son fils et son beau-père) décident de fuir la banlieue de Moscou où ils résident pour une petite île au milieu du lac Vongozero, en Carélie. L’isolement sera, pensent-ils, la condition de leur salut. Débute alors une expédition à laquelle s’agrègent des personnes qu’Anna ne porte pas spécialement dans son cœur et dont on suivra le déroulement jusqu’à son terme… que je me garderai bien de révéler au lecteur.

     La base de Vongozero est donc celle d’un roman post apocalyptique, mais n’espérez pas y trouver zombies et autres Grands-Guignols courants dans ce type de récit. Au contraire, les personnages sont des êtres ordinaires qui se trouvent plongés dans une situation extrême à laquelle rien ne les a préparés jusqu’ici et pour laquelle toutes les règles sont à inventer. Aussi le suspense du roman tient-il à la réaction de chacun de ces personnages face au danger et à une promiscuité si pesante qu’elle en devient elle-même source de danger. La route est interminable, il fait un froid de loup, et n’importe quel petit incident menace de remettre en cause le semblant d’équilibre péniblement atteint entre les personnages.

     Via une narration à la première personne, Yana Vagner nous plonge dans la conscience d’Anna et ne nous tait rien de ses peurs et angoisses, mais également des pensées mesquines qui peuvent agiter un être lambda face à l’adversité. Le résultat est aussi passionnant que saisissant, tant l’auteur a su déceler de vérités sur l’humain au lieu du festival sanguinolent attendu. Ajoutons une mention spéciale pour le travail de traduction de Raphaëlle Pache, car le texte français sait empoigner le lecteur du début à la fin. Yana Vagner a depuis écrit la suite de Vongozero. On en attendra la traduction française avec impatience, tant la première partie a su nous impressionner tout en éveillant notre curiosité.

 

Andre Donte


Yana Vagner, Vongozero, traduit du russe par Raphaëlle Pache, Mirobole Éditions,  coll. « Horizons pourpres », septembre 2014, 448 pages, 22 euros
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