Spirit of New Orleans, de Monique Bornstein : La légende dorée du jazz

Ceux qui fréquentent les lieux où s’élabore le jazz ont forcément croisé, une fois ou l’autre, Monique Bornstein. Son carton à dessin, ses fusains, ses encres, ses gouaches. Assise au premier rang, pour mieux capter les vibrations de la musique dont elle donne, sur le papier, la plus fidèle traduction. En direct. Live, comme on dit couramment aujourd’hui. Car son inspiration se nourrit de celle des musiciens. Voilà pourquoi elle n’a pas son pareil pour rendre visible, et même quasiment palpable, l’ambiance d’un concert.

 

C’est une habituée des festivals d’été. Ceux de la Côte, Nice, Juan-les-Pins, mais aussi Marciac, ou encore Ascona, en Suisse, au bord du Lac Majeur. Entre beaucoup d’autres. Et, bien sûr, La Nouvelle-Orléans, où elle a maintes fois séjourné. Sans doute pour s’abreuver à la source, saisir avec une intensité sans égale l’esprit du lieu. Car si l’esprit, comme le vent, souffle où il veut, il est cependant des endroits qu’il privilégie. S’agissant de jazz, la Cité du Croissant en est un, et des plus éminents.

 

Monique Bornstein a de la ville, de son atmosphère, une connaissance quasi exhaustive. Mieux, elle entretient avec elle et avec sa population des rapports familiers. Elle en a parcouru les lieux légendaires, le Preservation Hall, le Palm Court Café, fréquenté le Jazz & Heritage Festival créé par George Wein, et tous les musiciens, des plus célèbres aux quasi inconnus. Elle en a rapporté ce Spirit of New Orleans qu’elle nous offre aujourd’hui. A la fois somme colorée, vivante, et invitation au voyage. Une galerie de portraits, aussi, où se côtoient plusieurs générations et plusieurs clans, les Marsalis, les Payton, les Andrews, la grande famille que constituent les partenaires de Fats Domino, pour n’en citer que quelques-uns qui ont porté à son apogée la renommée de leur cité.

 

Ses huiles, ses aquarelles, ses encres sont chaleureuses, à l’mage des couleurs qu’elle privilégie, le jaune d’or, le carmin, le bleu turquoise.  Ses croquis, comme ses peintures, donnent à voir au-delà des apparences. Derrière les « instantanés » du Lincoln Center Orchestra en pleine action, se lit la concentration, l’application d’exécutants faisant vivre leurs partitions. Le portrait du Father Jerome Ledoux respire la spiritualité, celui de l’Oncle Lionel Batiste, illustre Grand Marshall récemment disparu, entouré des membres du Treme Brass Band, semble suggérer des pas de danse. Criant de vérité, - mais on pourrait dire cela de quasiment tous les personnages qui peuplent ce merveilleux livre d’images.

 

A cette manière de légende dorée, est adjoint un précieux commentaire bilingue, en français et en anglais. Il apporte au lecteur des informations supplémentaires puisées tant dans l’histoire du jazz ou de la ville elle-même que dans les impressions et sensations de l’auteur. Si bien qu’il n’est rien de plus vivant que ces textes qui viennent, sans le moindre pléonasme, la moindre redondance, projeter un éclairage autre sur nombre de tableaux. L’ensemble s’adresse non seulement aux amateurs chevronnés, mais aussi aux néophytes désireux d’entrer à leur tour dans le monde enchanté du jazz. A ce titre, un ouvrage qui, au plaisir des yeux, joint la rigueur de l’information. L’utile et l’agréable, ad majorem musicae gloriam... Que pourrait-on désirer de mieux ?

 

Jacques Aboucaya


Spirit of New Orleans, peintures et textes de Monique Bornstein, novembre 2013, 166 p. avec index, 36 €

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