Tu convoiteras, un vilain titre pour un superbe texte

 

Tu convoiteras  n’est  vraiment pas un titre bien choisi, il est assez laid et peu évocateur  de la richesse du texte et c’est dommage parce que ce roman ne laisse pas indemne, il vise  superbement là où ça fait mal, pile dans le cœur des femmes honnêtes, celles qui détiennent cette étrange  force fragile,  les résistantes,  les lucides, celles qui ne renoncent pas malgré la déraison ou la peur.


Bien sûr le roman choquera pas mal  d’hommes et beaucoup de mères convenables ou hypocrites parce que   Ornela Vorpsi   n’y va pas par quatre chemins  pour déballer  absolument tout  ce qui  anime le cœur et le corps de Katarina, femme désirante tétracéphale, comme le sont toutes les femmes   à la fois fille, mère, épouse et amante.


L’héroïne  est lourde de son désir érotique comme elle est lourde de son amour pour son petit  garçon brûlant de fièvre  qu’elle veut pourtant garer à la crèche afin de pourvoir jouir de l’instant avec l’amant avec qui elle a rendez-vous.  

Le laps de temps qui la sépare de son choix, c’est  ce récit, un chemin de croix avec tous ses questionnements.   La venue d’un enfant peut-elle détrôner les passions amoureuses ?  


Qui est-Katarina ? Une  fille encore sous l’emprise d’une mère qui détient tous les pouvoirs  ? Une  mère qui est Dieu pour  son enfant ?  Une épouse qui chérit toujours son mari ? Une amante lucide qui ne veut que le plaisir du désir  et la jouissance du plaisir ? 


Elle fait face à  ce qui la bouffe et l’angoisse,  sa tyrannique de mère, l’absence de  son père, la peur de la vieillesse et  des corps qui se fanent, sa boulimie des jeux érotiques, son goût des amants plus jeunes, ses angoisses de jeune accouchée,  la peur du jugement d’un dieu qui lui prendrait son fils malade si elle shoote l’enfant pour qu’il dorme ,  elle avance vers l’heure du choix en raclant les blessures, avec le ventre qui réclame, peut-être à tout prix. 


La langue est aiguisée, sans manière, d’une sincérité absolue.  Katarina  questionne, se questionne, s’invective,  cherche son identité et marche hésitante et  pourtant déterminée, vers son désir  enragé sans certitude de plaisir ni même d’apaisement.  


On souffre avec elle, peut-être parce que nous, les femmes, savons de quoi elle parle. Le roman laisse en bouche un presque malaise, un peu déprimant sans doute  mais cette lecture me semble bien nécessaire, il faut verbaliser ce qui ronge en silence, et Ornela Vorpsi  le fait avec talent. 


Anne Bert


NB Tu convoiteras est le premier texte écrit par Ornela Vorpsi  directement en français. 


Ornela Vorpsi, Tu convoiteras - Editions Gallimard - février 2014 - 112 pages - 13,90 €



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