Avengers – La Promise d'Ultron

Les années 70 sont peut-être la plus belle période des Vengeurs. À cette époque, les aventures des plus puissants héros de la Terre se lisaient dans une seule série : l'équipe ne s'était pas encore scindée en deux (pour créer les Vengeurs de la Côte Ouest), ou pire, en d'innombrables séries dérivées comme maintenant. Marvel pouvait encore se permettre de positionner des pointures pour s'occuper du titre. Le résultat ? Une décennie particulièrement riche : des sagas mémorables (La Guerre Kree-Skrull, La Saga de Korvac) pour un feuilleton incroyable dans lequel nos héros affrontent les plus grandes menaces de l'univers mais aussi de terribles dissensions internes, une marque de fabrique de la série depuis sa création (relisez l'intégrale Avengers 1963-1964).


Cet album donne l'occasion de parcourir presque un an d'aventures, soit dix épisodes, de mars à décembre 1977. Une année au cours de laquelle le scénariste Jim Shooter va mettre en avant trois personnages aux relations bien particulières : Wonder Man, la Sorcière Rouge et la Vision. Petites explications pour bien comprendre : Wonder Man apparaît dans Avengers 09 (en 1964) : manipulé par des super-vilains, il est censé infiltrer l'équipe des héros pour mieux les trahir de l'intérieur. Mais Wonder Man refuse de mener le plan jusqu'au bout, et meurt en héros. Dans Avengers 54 (de 1968), le chercheur Hank Pym crée le super-vilain robotique Ultron. À son tour, Ultron construit un androïde, la Vision, censé détruire les Vengeurs. Pour le "programmer", il utilise le cerveau de Wonder Man, si bien que la Vision est d'une certaine façon un jumeau "améliorée" du Wonder Man décédé. Bien longtemps après, en 1976, Wonder Man ressuscite et découvre que son "double" a une liaison amoureuse avec la Sorcière Rouge, pour qui il en pince sérieusement. On imagine l'ambiance délétère au sein du groupe…


Jim Shooter a bien compris le potentiel conflictuelle de la situation et repose évidemment son histoire sur les crises internes du groupe. Époque oblige, toute allusion sexuelle explicite est prohibée, mais Wonder Man ne lâche-t-il pas à La Sorcière Rouge qu'après tout, lui est un homme, "un vrai" ? Comprendre que lui est équipé pour autre chose qu'une relation platonique…


Coincé par la censure, Shooter va donc utiliser Ultron pour continuer à creuser cette question "androïdes et sexualité font-ils bon ménage ?". Car Ultron se met ici en tête de se créer une compagne. Et pour rester cohérent, il prend modèle sur son créateur. Hank Pym étant amoureux de Janet Van Dyne (la Guêpe), il kidnappe cette dernière et imagine pouvoir transférer l'esprit de la belle dans un androïde aux courbes chromées tout ce qu'il y a de plus féminines. On apprendra quelques épisodes plus tard son nom : Jocaste… soit, dans la mythologie, l'épouse d'Œdipe. Fallait-il être plus clair ? Après avoir voulu tuer le père, il veut coucher avec sa mère.


D'autres vilains viendront semer le trouble au cours de l'année 1977, et notamment deux super-vilains haut en couleur : Graviton et Nefaria. Ces deux mégalomanes semblent de prime abord invincibles (d'ailleurs les Vengeurs prennent une correction à chaque fois), mais bien sûr, il y a toujours un petit détail, un petit grain de sable inattendu qui vient ruiner leurs plans de conquête de l'univers.


Un mot sur les dessinateurs. Évidemment, le style général correspond aux standards des années 70, mais qu'importe, on tient ici un album "nostalgique". Se succèdent donc aux dessins Don Heck, George Tuska, Sal Buscema, George Perez et John Byrne, soit un mélange de la nouvelle et de l'ancienne garde. Un casting de rêve.

Soulignons particulièrement le travail de George Perez qui livre des planches fabuleuses, avec des cases bourrées de détails et d'énergie. La mise en scène du transfert de personnalités entre Janet et Jocaste est un modèle du genre.


Les aventures ne traînent pas en longueur et se succèdent à un rythme effrénée. Il y a toujours un film rouge entre les histoires. Les super-vilains sont toujours haut en couleur et mélodramatiques. Les héros perdent toujours leur temps en disputes, avant d'unir leurs forces pour vaincre.

Cet album contient la quintessence des Vengeurs des années 70. Les vieux lecteurs goûteront au plaisir de relire de belles pages propres et nettoyées. Les jeunes lecteurs découvriront que beaucoup d'arcs narratifs plongent leurs racines dans cette époque.



Stéphane Le Troëdec



Jim Shooter (scénario), Don Heck, George Tuska, Sal Buscema, George Perez et John Byrne (dessins)

Avengers – La Promise d'Ultron

Cet album compile les épisodes 157 à 166 de la série Avengers publiée aux USA par Marvel Comics.

Édité en France par Panini France (29 avril 2015)

Collection Marvel Vintage

184 pages

23,40 euros

ISBN : 9782809449723

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