Über, tome 1 : Nouveaux fronts

Printemps 1945. L'Allemagne va perdre la Guerre. Il ne reste plus qu'une seule solution à Hitler : utiliser les Übermench, un nouveau genre de soldats. Les chercheurs nazis ont découvert comment transformer des humains en super-soldats dotés de pouvoirs extraordinaires. Un nouveau bataillon est formé, qui pourrait bien renverser le cours de la Guerre…

Au même moment, une espionne britannique subtilise le secret des nazis. Elle doit rapporter en Angleterre la formule qui permettrait aux alliés de créer eux-aussi des surhommes et contrer les Übermench allemands.


Et si Hitler avaient eu à sa disposition des super-soldats ? Voici l'idée de départ, pour le moins risquée, de Kieron Gillen, le scénariste d'Über. Et si l'idée n'est pas vraiment nouvelle : ce ne sont pas les premiers super-vilains nazis de l'histoire des comics, même s'ils sont utilisés ici différemment. C'est l'occasion pour lui d'écrire à la croisée des genres.


Évidemment, Über est bien un comic book de guerre : l'histoire commence alors que les Russes sont aux portes de Berlin, et ne vont pas tarder à rejoindre les alliés. Les Allemands défendent la ville comme ils peuvent, mais on sent bien que l'issue de la guerre ne fait plus vraiment de doute. Dès les premières pages, le lecteur est submergé d'informations. A-t-il réellement besoin de connaître les dates et heures précises des événements ? Pas vraiment, mais Kieron Gillen, malin, décrit ces scènes comme si tout cela avait bien existé. En plus de cela, il se repose sur des petits détails historiques. Il prend le temps de montrer le destin de quelques civils au quotidien, il campe une poignée de soldats allemands et russes le temps de quelques scènes du front. Si bien qu'une fois tout ces éléments mis bout à bout, cela pose l'ambiance et renforce l'impression de crédibilité de son histoire.


L'une des forces d'Über, c'est d'essayer d'éviter le manichéisme. Il y a un refus évident à écrire la guerre des bons contre les gentils. Les soldats allemands ne sont pas tous nécessairement des ordures, et  les Russes ne se privent pas de les concurrencer. Les dirigeants anglais ne sont pas obligatoirement des saints, non plus. Le temps est à la guerre, et , dans tous les camps, il va falloir laisser de côté certains idéaux si on veut la gagner. D'ailleurs, Gillen s'amuse à parier sur nos habitudes de lecteurs et de cinéphiles, pour mieux nous prendre à revers. Difficile de deviner qui va l'emporter à la fin de ce premier tome.


Mais Über est aussi un comic book de super-héros. Enfin, super-héros, il faut le dire vite, je serais plutôt tenté de dire, de super-vilains. Oubliez Superman et son esprit boy scout : dans Über, les surhommes pas d'état d'âme (pour le moment). La manière dont Gillen raconte leurs origines (des recherches scientifiques dans les camps) est bien vue, presque trop crédible. Et il se laisse un peu de marge de manœuvre pour un prochain tome qui approfondira sûrement la véritable origine des superpouvoirs. Une fois les super-soldats en action, imaginez un bataillon composé d'une poignée de Superman enragés face à de "simples" soldats humains… un vrai carnage.


Carnage, voilà un mot qui vient souvent à l'esprit pendant la lecture. Car, pour finir, Über est aussi un comic book d'horreur. On ne compte pas les scènes sanglantes, les cadavres, et autres tortures écœurantes. Caanan White, l'illustrateur, ne se fait pas prier, et remplit le cahier des charges : l'éditeur Avatar Press est coutumier des comics provocants. Il faut donc avoir le cœur bien accroché avant d'ouvrir Über. Mais qu'on aime ou pas la tripe et la chair sanguinolente, ça ne dépareille pas, et même si parfois il y a un trop plein à mon goût, c'est toujours dans l'atmosphère de l'histoire. La façon de représenter le gore m'a par moment fait penser au travail de Juan José Ryp sur No Hero (déjà chez Avatar Press, tiens donc). S'il s'entend pour dessiner les cadavres, Caanan White est moins à l'aise quand il faut distinguer deux officiers bien vivants, si bien qu'on a un peu de mal à suivre l'action au début de l'ouvrage. Un défaut qui s'atténue progressivement, l'espérance de vie de l'être humain étant plus que réduite dans Über


Guerre, super-pouvoirs, horreur… J'avais pas mal d'appréhensions en ouvrant Über, me demandant bien ce que j'allais pouvoir y trouver. Sans compter que le visuel de couverture reprenant la croix de fer ne me rassurait pas vraiment. En refermant ce premier tome, je suis convaincu. À bien y regarder, Kieron Gillen exploite subtilement son idée, sans tomber dans le récit trop putassier. Au final, mis à part les faiblesses du dessin, Über est une bonne surprise, surtout parce qu'on sent que tout peut arriver, et que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.



Stéphane Le Troëdec




Kieron Gillen (scénario), Caanan White (dessins)

Über, tome 1 : Nouveaux fronts

Cet album compile les épisodes 00 à 05 de la série Über publiée aux USA par Avatar Press.

Édité en France par Panini France (6 mai 2015)

Collection Best of Fusion

160 pages couleurs, couverture cartonnée

16,95 euros

ISBN : 9782809449143

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