L'intégrale Fantastic Four 1974

1970, coup de tonnerre chez Marvel : Jack Kirby quitte le navire et abandonne les Quatre Fantastiques ! Qui pour le remplacer sur le titre ? John Buscema craignait de prendre la suite du King, mais au final il a admirablement réussi à prendre la relève. En janvier 1974, John Buscema est remplacé sur Fantastic Four par Rich Buckler. On lui demande, évidemment, de s'inspirer lui aussi du style Kirby afin de prolonger un trait classique.


Sa tâche sera d'autant plus aisée que Joe Sinnott reste à l'encrage. Lorsque j'étais gosse, j'ai longtemps détesté le style de Sinnott à cause d'un détail : son Reed Richards musclé ! J'adorais les Quatre Fantastiques de John Byrne, et la manière qu'il avait de dessiner l'intello du groupe de manière un peu longiligne. Cette vision du personnage était donc à l'opposée de celle longtemps proposée par Sinnott, chez qui Reed est un homme musclé.


Avec le temps, j'ai revu mon jugement jusqu'à apprécier le style Sinnott. On sait que son travail était très apprécié par Kirby (on leur doit les meilleurs épisodes des FF), et il a encré la série pendant très longtemps (en gros du milieu des années 60 au début des années 80). Son style d'encrage a vraiment servi à uniformiser le visuel de la série au fil du temps, assurant ainsi des changements de dessinateurs dans la douceur. Joe Sinnott est un peu la star de cet album puisqu'il en assume la quasi-totalité des visuels.


Gerry Conway s'occupe de l'ensemble des scénarios de ce recueil et construit des histoires en deux ou trois épisodes. Au programme de l'année 1974, on découvre (ou redéccouvre) avec un plaisir nostalgique : une énième agression du Docteur Fatalis, le terrible plan d'invasion d'abominables hommes des neiges de l'Himalaya, une nouvelle attaque de Namor, le mariage de Crystal et Vif Argent (perturbé par Ultron-7), et l'invasion dimensionnelle de Manhkizmo, l'Homme nucléaire ! Ajoutez à cela deux Giant Size spéciaux, avec le combat titanesque entre La Chose et Hulk. Pas de soucis : le quota d'aventure et d'action est respecté.


1973 s'était achevée sur une équipe éclatée. Le couple Reed-Susan battait déjà de l'aile, le choix de Reed de plonger son jeune fils en catatonie (pour empêcher l'explosion de ses pouvoirs mutants) avait fini de détruire le couple. Et le comportement de Reed avait tellement choqué Johnny Storm et la Chose, que l'équipe se séparait. Mais les Quatre Fantastiques, c'est une famille, LA famille Marvel par excellence.


Gerry Conway va donc travailler au cour de l'année 1974 à rétablir le groupe, sans se priver de jouer avec le suspens : Susan et Reed vont-ils divorcer ou bien se remettront-ils ensemble ? Personne n'échappe aux affaires de cœur : pas même La Chose (qui se demande dans quelle mesure l'amour que lui porte sa belle est liée à sa monstruosité), ni La Torche humaine, qui voit son ex-fiancée Crystal lui filer entre les doigts pour épouser un autre sous son nez. Avec Gerry Conway, l'aventure et les affaires de cœur sont les deux moteurs de l'histoire, et avouons qu'il sait y faire.


À noter la dernière saga de l'album (Fantastic Four #151-153) dans laquelle le groupe se retrouve projeté dans une dimension où les hommes ont réduit en esclavage les femmes, réduites au mieux au rôle de domestique sinon de simples génitrices. Le cauchemar féministe absolu en somme : heureusement les Quatres Fantastiques veillent !


Un mot sur l'édition française. Les couleurs sont belles et vives, et les cases et les bulles sont particulièrement bien restaurées, ce qui n'est pas toujours le cas dans les intégrales (les planches illustrant cette page sont tirées de la vo et non de l'intégrale). Le traducteur s'est fait plaisir (La Chose lance par deux fois un joli « Ta mère porte des rangers ! »), et seul le lettreur a commis deux-trois erreurs (oubli de mots).


Cette intégrale 1974 est donc marquée par une jolie stabilité créative, le duo Gerry Conway-Rich Buckler-Joe Sinnott fonctionnant à plein régime. C'était la belle époque de Marvel, quand les histoires n'étaient pas décompressée sur une demi-douzaine d'épisodes. Action, suspens, tragédie, tout y est : un bonheur indispensable pour tous les amateurs des Quatre Fantastiques et de Marvel en général.



Stéphane Le Troëdec




Gerry Conway (scénario), Rich Buckler, Joe Sinnott (dessins)

Marvel classic : Fantastic Four - l'intégrale 1974

Édité en France par Panini France (15 juillet 2015)

Traduit par Nick Meylaender

Collection Marvel Classic

312 pages couleurs, papier glacé , couverture cartonnée

29,95 euros

ISBN : 9782809449471

3 commentaires

Je partage nombre de vos points de vue sur les comics mais j'avoue ici être dubitatif: Buckler, qui peut être bon, "singe" Kirby à cette époque et son dessin s'en ressent. 

Quant à Gerry Conway, il n'a jamais brillé sur les Fantastiques. Je me rappelle de l'épisode où Namor (un type au grand coeur) attaque la surface juste pour permettre à Reed et Sue de se réconcilier...
Je sais que le marasme créatif du monde des comics conduit à réévaluer pas mal d’œuvrettes du passé qu'on dédaignait avant vu la qualité générale mais ici... on est loin de la qualité de Pérez et Byrne sur "la promise d'Ultron" par exemple.

Oui, on est loin de la qualité d'un Byrne sur les FF, pour rester sur la même série. Après celui du duo Lee-Kirby, le travail de John Byrne est à mon avis le meilleur sur les Quatre Fantastiques (à quand une réédition, monsieur Panini ?). Mais le contexte de l'époque est très différent de celui de Conway-Buchler, où l'on est encore à gérer l'absence de Kirby.

Marvel a fortement incité Buckler, et surtout l'encreur Joe Sinnott, à reproduire le style Kirby, afin de maintenir une unité graphique après le départ de ce dernier. Mais Buckler est tout de même un bon dessinateur.
Quant à Conway, effectivement, ce n'est pas son meilleur travail. Mais son passage reste tout de même agréable.

S'agissant de l'épisode précis  où Namor attaque New York pour réconcilier Sue et Reed (dans cet album), il faut préciser que c'est sur la demande de Medusa (il ne l'aurait pas fait de lui, je pense). Reste que c'est un épisode un peu faible, je suis d'accord. Il me semble avoir lu, je n'ai pas la source en tête, que Marvel voulait rapidement remettre Sue et Reed en couple, Conway aurait été pris de court et improvisé en quelque sorte ce retournement de situation.

Effectivement, le travail de John Byrne fut exceptionnel et mériterait d'être réédité (comme son iron fist d'ailleurs)