Fiction Squad, tome 1 - Il était une fois… un meurtre !

Rimes est la capitale du royaume de l'enfance, où vivent des personnages venus des contes de fée ou des fables. Frankie Mack est un flic, issu d'un roman policier jamais terminé, qui a échoué à Rimes suite à une enquête ratée. Et justement quelque chose ne va pas à Rimes : Humpty Dumpty, qui connaissait la ville et ses plans comme sa poche, a été assassiné, jeté d'une tour. Frankie et son assistant, Simple Simon, personnage d'une comptine, mènent l'enquête…


Fiction Squad est une série dérivée, un spin-off comme on dit du comic book Fairy Quest, dont je vous disais le plus grand bien du tome 2 ici. Comprendre que l'histoire se déroule dans le même univers mais qu'elle n'a pas de lien direct avec l’œuvre d'origine. C'était d'ailleurs ma crainte en ouvrant cet album : comment Paul Jenkins allait-il éviter l’écueil de la redite, du simple remake ? La réponse est simple : en choisissant une tout autre approche !


Là où Fairy Quest reprenait des personnages connus des contes pour enfants pour réécrire une toute nouvelle aventure, Jenkins choisit ici une approche thématique. Pour résumer, Fiction Squad est un polar noir dans un monde merveilleux : Jenkins concatène astucieusement les stéréotypes des deux genres littéraires pour façonner quelque chose de neuf.


À bien y réfléchir, l'idée est bonne tant il y a matière : comme le fait remarquer Paul Jenkins, « derrière chaque comptine se cache un meurtre », les fables sont souvent des histoires violentes et affreuses bourrées de monstres et de meurtres. Et force est de constater qu'avec Fiction Squad, le mariage entre le polar et le conte fonctionne bien. On revisite des situations classiques du polar via des personnages que l'on connaît tous, mais pas dans ces configurations (Tom Pouce en commissaire de police, par exemple). Le héros de l'aventure, le Détective Frankie Mack, c'est un peu Raymond Chandler au pays des merveilles, l'archétype du privé hard boiled malchanceux et revanchard entouré de lutins et de fées.


Mais à force de jouer avec les références aux contes, on passe parfois à côté, soit parce qu'elles sont perdues dans l'arrière-plan, soit parce qu'il s'agit de fables typiquement anglo-saxonnes (je pense par exemple à Humpty Dumpty). Il se créé alors un curieux décalage pour nous, lecteurs français, où on sent bien qu'il y a une référence mais que nous sommes incapable de comprendre.


Une autre idée intéressante développée par Paul Jenkins, c'est que le monde de Fiction Squad est composé de régions correspondant chacune à un genre précis (horreur, comédie, policier, etc.). Ces régions thématiques ne sont pas cloisonnées : les personnages peuvent voyager d'une région à l'autre, comme c'est le cas pour Frankie Mack, qui débarque dans la région des fables suite à un échec professionnel cuisant. Paul Jenkins use pour l'instant assez peu de ce principe, mais je suis curieux de voir si cela va lui servir dans la suite de l'histoire.


Dans Fairy Quest, on nous expliquait que les personnages de Bois-de-Conte rejouaient jour après jour les mêmes actions, les mêmes lignes de dialogues, un peu à la manière d'automates qui répéteraient inlassablement les mêmes actions. Or, ici, alors que nous sommes bien dans le même univers (Lou et Chap' font même une petite apparition), Jenkins me semble mettre cette idée de côté. Rien de bien grave, puisque Fiction Squad se lit indépendamment de Fairy Quest. Peut-être que la chose m'a vraiment sauté aux yeux parce que j'ai lu Fairy Quest il y a quelques semaines. Mais ce serait intéressant que Paul Jenkins éclaircisse ce point de détail incohérent.


Graphiquement, Ramon Bachs fait ce qu'il peut pour faire oublier le style d'Humberto Ramos. L'un des gros plaisirs de Fairy Quest, c'était aussi de voir les personnages des contes passer sous le crayon de Ramos, avec ses designs si particuliers, à mi-chemin entre un look inspiré des mangas et le comic book. Le coup de crayon de Bachs a beaucoup moins de caractère, mais d'un autre côté, cela rend peut-être Fiction Squad plus accessible au grand public. À noter le joli travail du dessinateur sur les arrière-plans, souvent truffés de petits personnages, qui enrichissent les pages et contribuent à rendre cet univers vivant.


Fiction Squad propose un concept intéressant et cohérent (du polar dans un monde de fables), le tout dans un style humoristique. C'est un album qu'on lit le sourire aux lèvres, avec ce sentiment que les auteurs sont juste derrière la page à faire des clins d’œil et donner quelques coups de coudes. En un mot, rafraîchissant.



Stéphane Le Troëdec




Paul Jenkins (scénario) et Ramon Bachs (dessins)

Fiction Squad, tome 1

Cet album compile les épisodes Fiction Squad #01 et #02 publiés aux USA par  Boom ! Studios.

Édité en France par Glénat (17 juin 2015)

Collection Grafica

48 pages

13,90 euros

ISBN : 9782344007884

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