Emile Gallé, le verre-lumière

Son nom est indissociable de l’Ecole de Nancy. Il en a été le fondateur et le président. Il est natif de cette ville où les traditions artistiques, s’appuyant sur un savoir-faire multiple, sont depuis le Moyen Age anciennes et fortes. En plus du verre, Emile Gallé se passionne pour les sciences naturelles, surtout la botanique, et l’ébénisterie. L’environnement local est propice à sa carrière comme a été favorable une conjonction d’éléments pour que naisse sa vocation. L’art rejoint une industrie prospère qui s’est établie à partir du XVIIIème siècle dans la capitale du duché de Lorraine et s’est développée au cours du XIXème siècle. Le renouvellement des formes artistiques qui traverse l’Europe d’alors, avec au premier rang l’Art Nouveau, croise donc ici un lieu d’élection avec un désir de création qui trouve ses propres manières de l’exprimer, que ce soit en architecture, en sculpture, dans le mobilier, la céramique et le verre. Des noms célèbres donnent à l’Ecole de Nancy une place éminente dans ce vaste courant novateur, Louis Majorelle, Antonin Daum, Victor Prouvé, Jacques Gruber entre autres. Ils font accéder l’art décoratif, considéré jusqu’alors comme mineur, à des niveaux d’excellence et d’originalité jamais atteints précédemment.

 

La volonté de promouvoir « L’Art en tout, l’Art pour tous » conjugue la double qualité d’unicité et de pluralité, c’est-à-dire offrir au public des œuvres et des objets à la fois paraissant uniques et accessibles à chacun grâce à la production d’un nombre élevé d’exemplaires. Les Expositions Universelles de 1889 et 1900 facilitent la découverte des talents nancéens qui participent à la définition, la création et la diffusion des motifs végétaux et aquatiques, des courbes et des volutes, des arabesques et des marbrures, des pampres et des torsades qui se répandent partout et proposent un appel au regard différent par rapport à ce qui se faisait auparavant.

 

Emile Gallé (1846-1904), étant autant un intrépide créateur qu’un gestionnaire avisé, s’affirme dans cette recherche d’un autre discours esthétique comme le maître incontesté. La modernité est désormais entrée dans la vie quotidienne. Tout en restant à la tête de l’entreprise familiale, il révolutionne le travail du verre et invente des décors et des volumes fondamentalement novateurs. Le verre, sous son impulsion et « sous le caprice du feu de ses fours » (Le Corbusier), devient un alliage précieux de matière et de lumière. A travers sa texture fragile et solide, les couleurs des motifs prennent dans l’épaisseur un relief particulier qui accentue par contraste la transparence des substances. Les techniques mises au point par Gallé sont nombreuses, comme l’inclusion de fines parcelles d’or ou d’argent dans le verre, l’usage d’oxydes inclus à chaud, des projections dans la pâte encore brûlante de petites matières ou d’eau froide afin d’obtenir des aspérités ou des craquelures, l’addition de plusieurs couches de verre, la patine. Son sens affiné des mélanges de couleurs, sa recherche de thèmes et de symboles inédits permettent d’aboutir à une incroyable amplitude dans les formes des pièces et la représentation des idées transformées en « marqueterie ». Gallé est un « compositeur ornemaniste, un assembleur d’images » qui puise dans la nature son inspiration. « Ma racine est au fond des bois, parmi les mousses, autour des sources » est une phrase qui serait comme sa devise, inscrite depuis sur les portes de ses ateliers et reprise dans le jardin du musée de l’École.

 

Comprenant la photo et les données descriptives de 400 pièces classées en diverses rubriques, cet ouvrage présente la superbe collection du musée de l’Ecole, constituée grâce aux achats et aux donations qui depuis plus d’un siècle ont permis son élaboration. Entre les coupes courges, les vases tubulaires et les  vases gourdes, les flacons à fleurs, les cruches raisin et les brocs élancés, on admire un magnifique ensemble de pièces parfois rares qui, chacune selon sa taille, ses émaillages, ses gravures, ses teintes capturent et réfractent la lumière, véritable métamorphose de l’impalpable. Fougères, algues, lilas, hippocampes, ombellifères, lis et iris, un vaste répertoire emprunté à la faune et à la flore sert ces jeux délicats de diaprures et de dorures, le dialogue changeant entre effets et reflets.

 

Dominique Vergnon

 

Valérie Thomas, Françoise Sylvestre, Jean-Luc Olivié, Emile Gallé et le verre, la collection du musée de l’Ecole de Nancy, Somogy Editions d’Art, 22x28 cm, 224 pages, 515 illustrations, mars 2015, 45 euros.

 

 

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