Histoires en marge de l’histoire

Pour reprendre aux Anciens l’image classique, l’histoire est un univers pareil à un grand théâtre et le temps en marque la séquence des scènes. Chacun sait que dans les coulisses se joue aussi une partie de la pièce et que beaucoup d’événements qui semblent évidents résultent de causes imprévisibles et comprises après coup ! Tout au long de notre histoire, bien des faits majeurs ont été la conséquence d’enchaînements mineurs, calculés dans l’ombre, ourdis par des héros secondaires, causés par ces détails qui en s’ajoutant, dévient le cours des choses et surprennent tout le monde. Relire les chapitres de notre passé avec le double recul de nos savoirs et de nos jugements, autorise à en mesurer l’impact réel et permet de mieux comprendre leur action dans le déroulement de siècles.

 

Ce sont ces « petits riens », comme les nomme l’auteur, qui trament les épisodes glorieux ou malheureux des règnes des rois qui, des Mérovingiens aux Bourbons, soit plus de mille ans de dynastie, les ont vécus, subis, ordonnés, agencés. Des secrets, des mystères, des anecdotes sur lesquels Françoise Surcouf, qui a déjà publié plusieurs ouvrages dont le très intéressant Les 80 symboles qui font la Bretagne (éditions Ouest-France), lève le voile. En d’autres termes, elle entre dans ces scènes de l’arrière, révèle le rôle clé des intrigues, des meurtres, des empoisonnements, des concubinages, autant de menues péripéties accompagnant pour le meilleur et pour le pire les existences des princes qui gouvernent et soudain font levier pour enrayer ou modifier leurs trajectoires. Autour d’eux, à chaque époque (et la nôtre, en apparence plus policée, ne fait pas exception à la règle) s’affairent les coupables et souffrent les innocents, s’agitent les destructeurs dans l’ombre et agissent les sauveteurs dans la lumière.

 

Apparaissent dans cette galerie des princesses et des duchesses, comme Anne de Kiev et Fanny Sébastiani qui épousa Charles de Choiseul-Praslin, des navigateurs comme Jacques Cartier et Giovanni de Verrazano, la jolie Blanche de Navarre et le sombre Damiens dont le supplice dépasse l’imagination. Il y a Isabeau qui alliait à la débauche la traitrise, Louis VII le roi-moine, Ravaillac bien sûr et un Sully qui serait mêlé à la mort de Gabrielle d’Estrée.  

 

Mais encore plus étonnants sont ces imprévus de l’histoire dans lesquels interviennent justement les détails qui avec le temps prennent une nouvelle dimension. Citons les couteaux à bout rond qu’imposa Richelieu, le tarot qui se répand partout, les poulaines créées par le sieur Poulain, l’arrivée du dindon venue d’Amérique qui se promena dans les jardins de Versailles. L’auteur raconte, explique, démontre, toujours brièvement mais avec pertinence et sans oublier l’essentiel. Les illustrations à la facture ancienne qui ornent les pages donnent à leur lecture un agrément renouvelé. L’humour qui, ici et là, émaille les textes, confère à ce petit livre à la couverture bleue fleurdelisée comme il se doit, un ton à la fois sérieux et charmant. Il sert ainsi de rappel de ce que nous pourrions oublier et de prétexte pour vouloir en apprendre davantage.

 

Dominique Vergnon

 

Françoise Surcouf, Histoire secrète des rois de France, éditions Ouest-France, 144 pages, 13,5 x19,4 cm, cartonné, mars 2016, 13,50 euros. 

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