Liaisons dangereuses, miliciens, truands, résistants, Paris 1944

Depuis la mort de Paul Touvier en prison en 1996, on pensait que les vieilles affaires concernant la Milice étaient classées. La Milice, cette "police" de Laval foncée par la loi n° 63 du 30 janvier 1943, luttait contre la résistance et pour l'ordre SS. Pourquoi revenir aujourd'hui sur cette période et, d'abord, qui retrouver comme témoin ?
Peut-on de nos jours partir sur les traces des anciens miliciens comme on le fit des anciens nazis ? Paul Gombert, responsable du service de sécurité de la Milice, était assisté de Paul Fréchou, et c'est ce dernier, condamné en 1944 pour le meurtre de l'ancien ministre de l'intérieur Georges Mandel, que  François Le Goarant, historien qui n'a pas peur de se mesurer aux montagnes d'archives administratives inexplorées, a retrouvé en Uruguay, et obtenu qu'il revienne pour la première fois sur son activité de milicien. Témoignage unique sur une période très sombre de notre histoire. 

Entre le Débarquement de la Libération, il fallait vite faire oublier ses erreurs et montrer son attachement au camp des nouveaux vainqueurs. Étrange retournements de vestes, passer de la collaboration active aux FFI et TFP, mais parfois les résistants, pour leurs coups, avaient aussi besoin de personnes un peu "louches" auxquelles confier des missions ponctuelles... C'est toute cette mouvance de truands et de miliciens, qui ont amassé une véritable fortune par leurs forfaitures, et qui cherchent maintenant à se refaire une virginité, qui est explorée admirablement dans ces Liaisons dangereuses. Il en va de même des résistants qui, sous couverts de leur "mission" penchant un peu trop dans le banditisme. La frontière entre les milieux, les "bons" et les "méchants", tout est brouillé, tout est hors-la-loi... C'est une armée de bandits ayant fait fortune qui va accueillir De Gaulle en libérateur, l'acclamer, se ranger derrière lui, espérant que sa stature leur fasse assez d'ombre pour s'y cacher. D'autres fuient, comme Fréchou, et vivent paisiblement... L'épuration n'a touché que les petites gens, les tondues l'auront été par de pires salauds qui s'en sortent !

Ouvrage d'une grande rigueur, qui divulgue un nombre incroyables de documents à partir desquels redessiner la carte des justes et des pourris de cette période, ceux qui criaient le plus fort ne le faisant sans doute que pour masquer le bruit de leur énième trahison. Une somme édifiante, magistrale, indispensable. C'est aux lumières de cet ouvrage qu'il faut réécrire toute l'histoire de la Résistance !


Loïc Di Stefano

Jean-Marc Berlière, François Le Goarant de Tromelin, Liaisons dangereuses, miliciens, truands, résistants, Paris 1944, Perrin, février 2013, 377 pages, 23 €

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