"Hitler et la France", la grande illusion de Vichy

Époux de la fameuse historienne Michèle Cointet (à qui l’on doit un de Gaulle et l’Algérie Française, l’église catholique sous Vichy, nouvelle histoire de Vichy, la Milice), Jean-Paul Cointet a imposé sa signature avec des ouvrages sur la légion française des combattants ou une biographie de Laval. Il fait partie de cette génération qui a profité du choc éditorial et historiographique provoqué par la publication de la France de Vichy de Robert Paxton et qui s’est imposé dans un travail de relecture critique du passé vichyste, loin de la théorie du glaive et du bouclier développé dans les années 50 par Robert Aron. Ici il nous propose de réfléchir sur le rapport entretenu par Hitler avec la France : inutile de dire que le résultat est décapant !

 

Une haine froide

 

Jean-Paul Cointet cite Mein Kampf, où Hitler n’a de cesse de dénigrer la France, ennemie héréditaire à la recherche constante de l’abaissement de l’Allemagne. Notons cependant que dans son livre le plus célèbre, Hitler ne désigne pas la France comme l’adversaire principal (les juifs et les bolcheviks en tiennent lieu) mais son anéantissement est la condition préalable à la réalisation de son grand projet : une Europe allemande, un lebensraum à l’est conquis sur les juifs et les russes… politique rusé, désireux d’apparaître comme un homme de paix dès son accession au pouvoir en 1933, Hitler est conscient que ces passages anti français de Mein Kampf peuvent le desservir dans son entreprise de charme des opinions occidentales et interdit toute traduction en français.

 

Hitler fait preuve d’un génie « médiatique » lors des différents entretiens qu’il accorde aux journaux français, anglais, américains, pour dissimuler ses buts, enjoliver sa pensée. Il n’hésite pas à jouer la carte du pacifisme dans l’opinion française, privilégiant d’abord les anciens combattants français, pour arracher la complaisance du gouvernement dans sa politique de remise en cause du traité de Versailles et des frontières qui en sont issues. Cependant en 1939, après les triomphes de l’année précédente (Anschluss de l’Autriche et accords de Munich lui offrant les Sudètes) la guerre éclate (à sa surprise ?) et Hitler doit son rétablissement inespéré au « coup de faux » imaginé par Von Manstein et exécuté à la perfection par la Wehrmacht.

 

Mensonges hitlériens

 

La suite démontre à quel point le gouvernement de Vichy, à la recherche d’une collaboration franche et loyale avec l’Allemagne nazie a eu tout faux. Jamais Hitler n’a cherché un arrangement avec la France. Celle-ci, après l’armistice qui avait garanti la neutralisation de la flotte, ne présentait d’autre intérêt que celui de l’exploitation de ses richesses, le pillage en gros. À Montoire, Hitler arrive très dépité d’avoir échoué à arracher à Franco la participation de l’Espagne à l’Axe. Face à lui, un Pétain désireux de collaborer. Malgré sa légende noire, rien ne se décidera lors de cet entretien.

 

Jamais les partisans français de la collaboration d’Etat ne trouvèrent d’écho dans les milieux dirigeants du IIIe Reich, sauf peut être en 1941 lors de la révolte de Rachid Ali en Irak. Pour Hitler, la France n’est vouée qu’à être un réservoir en hommes, en matériel, un arsenal avant d’être réduit en pièces lors des futurs traités de paix. Bien sûr, il se garde bien  de révéler ses intentions. 


Si les collaborateurs comme Déat et Doriot avaient su, auraient-ils été aussi enthousiastes ? Soyons clairs, Hitler voulait la mort de la France comme puissance, comme de l’Allemagne si celle-ci devait perdre. Faute de mieux, paraphrasons Freud : le désir de mort l’emportait in fine sur le reste dans l’idéologie d’Hitler…

 

On savait que Jean-Paul Cointet était un historien précieux, voici une preuve de plus de sa valeur.

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-Paul Cointet, Hitler et la France, Perrin, septembre 2014, pages, 23,90 €

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