Barras, le mentor de Napoléon

De Christine Le Bozec, le critique sait qu’elle a publié une synthèse sur la 1e République chez Perrin en 2014 et qu’elle a enseigné à l’université de Rouen. S’attaquer ici à Barras, surnommé « le Roi du Directoire » relève du défi. Le personnage  a laissé des mémoires, largement réécrites et controversées depuis leur publication par Georges Duruy il y a plus d’un siècle, que Christine Le Bozec confronte bien sûr à d’autres sources (comme les mémoires de Thibodeau ou de Fouché) pour vérifier les faits.  Reste que notre historienne commet quelques erreurs : Joséphine n’a par exemple jamais divorcé de son mari Alexandre de Beauharnais (une séparation de corps avait été prononcé avant la Révolution). Au-delà aussi de certaines répétitions, que retenir au final de cette biographie d’un homme si décrié, si détesté ?

 

Itinéraire d’un provincial

 

Noble, Paul Barras est issu d’un lignage provençal ancien et respecté (son oncle Melchior a été amiral) mais d’une branche relativement désargentée. Il commença par s’engager dans la marine, participa à des campagnes dans l’océan indien puis quitta l’armée en 1782. Barras vit alors chichement entre Paris et la Provence, pensionné par la cour après intervention de son oncle Melchior. Il est aussi mêlé lointainement à l’affaire du collier. Dans ses mémoires, que l’auteur suit beaucoup (trop ?), Barras se peint comme acquis, à la veille de la Révolution, aux idées nouvelles. Il se marie en tout cas en 1790 à une femme de 33 ans, Marie-Pélagie Templier, sur l’insistance de sa femme. Pour autant, il ne vivra que peu avec elle.

 

Du terroriste au « Roi du directoire »

 

A la lecture de cette biographie, on est saisi par la rapidité de sa trajectoire. Elu à la convention en 1792, Barras est envoyé en mission dans les Basses et les Hautes Alpes. Son zèle révolutionnaire (initialement proche des girondins, il s’affiche désormais montagnard) laissera d’amers souvenirs aux populations locales, particulièrement à Marseille et à Toulon où la guillotine marchera beaucoup... C’est lors du siège de cette ville qu’il croise pour la première fois un certain Bonaparte. L’art de Barras est de savoir toujours se trouver au bon endroit au bon moment tout en sachant évaluer rapidement les rapports de force. L’homme est aussi courageux et plein de sang froid : cela lui permet de retomber sur ses pieds efficacement lors du 10 Thermidor ou de la répression de Vendémiaire où il commande la troupe (aidé de Bonaparte) qui marche sur la convention. Homme-clef du Directoire de 1795 à 1799, Barras favorise la carrière de Talleyrand, Fouché et bien sûr Bonaparte. Aucun ne lui en saura gré. Écarté du pouvoir par le coup d’État de Brumaire qu’il n’a pas su prévenir, Barras sera toujours l’objet d’une surveillance attentive de la police de Napoléon : même s’il le méprisait, bien des secrets liaient l’Empereur à son ancien mentor et il se le gardait bien de le sous-estimer… Cette biographie bienvenue est l’occasion de redécouvrir une figure importante de la Révolution.

 

Sylvain Bonnet

 

Christine Le Bozec, Barras, Perrin, mars 2016, 400 pages, 24 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.