Philippe Besson, De là, on voit la mer : Envoûtant !

Dès les premiers mots du roman, le lecteur est projeté dans le récit, dans la violence de l'été italien et sait qu'il ne le lâchera pas avant le point final. Il est déjà entré dans l'extravagante musique feutrée des mots de Philippe Besson. Dans celle de ce port italien un peu paumé, écrasé par la chaleur de septembre. Dans la vie de Louise, un écrivain de quarante ans qui ne vit que pour l'écriture et a quitté pour quelque temps son mari resté à Paris afin de pouvoir terminer un nouveau livre.

 

Dans ce port de Livourne, une amie lui a prêté une maison silencieuse et vide où elle peut travailler, toute à son histoire et à son égoïsme d'écrivain. Seule une femme de ménage vient le matin remettre un peu d'ordre. Sinon elle ne voit personne, ne pense qu'à ses mots, à son livre qui avance vite.

Soudain, un matin, une apparition, Luca, un jeune homme de 21 ans, le fils de Graziella lui apprend que sa mère ne peut venir.

Stupeur, coup de foudre impossible entre la femme mûre et le jeune garçon "hésitant entre l'impatience et l'indolence". Et pourtant si. Ces deux-là vont s'aimer sans penser à demain, aux années qui les séparent.

Et puis un coup de fil : François le mari de Louise est grièvement blessé dans un accident qu'il a plus ou moins provoqué. Pas pour mourir, juste pour attirer son attention.

Elle rentre à Paris et c'est dans une chambre d'hôpital qu'elle le retrouve, à peine sorti du coma et qu'ils se disent les choses essentielles d'un couple de dix ans qui s'aime bien, mais s'ennuie un peu.

La scène est surréaliste, presque choquante, Louise dans un total manque d'empathie lui dit qu'elle repart, mais pas forcément pour ce « quelqu'un » qu'il a deviné.

François a tout compris, il la laisse s'en aller, il l'attendra, le corps brisé, le cœur en miettes tandis que Luca choqué en apprenant l'accident lui fait remarquer qu'elle est capable de quitter son mari alors qu'il a besoin d'elle.

C'est vrai qu'elle est aussi cette femme-là. Celle qui a préféré écrire des livres plutôt qu'avoir des enfants. Mais pas seulement…

 

Rien n'est simple dans les romans de Philippe Besson : De là on voit la mer n'est pas l'histoire d'une méchante égoïste et de deux hommes admirables qui à l'opposé l'un de l'autre lui insuffleraient leur force et leur amour.

Il y est question de temps, de chaleur, de volupté, de lassitude, d'amour impossible. Louise s'abandonne, lâche prise dans les bras de son jeune amant, François reprend goût à la vie à force de volonté. Luca aime Louise. Pour combien de temps ? Là n'est pas la question même si elle est essentielle.

 

Les romans de Besson finissent souvent mal. Que dire de la fin de celui-ci ? Rien, sinon qu'elle est surprenante et que l'auteur a une fois de plus bouleversé le lecteur dans une Toscane sensuelle et étouffante en offrant un fragile espoir à des personnages qui trouvent peu à peu leur vérité.

Forcément complexe et dérangeante et qui probablement ne verra pas se lever l'aube du jour suivant tant elle est fluctuante.

Brigit Bontour

 

Philippe Besson, De là, on voit la mer, Julliard, janvier 2013, 216 pages, 19 €


> Lire un extrait du roman de Philippe Besson.

 

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