Lino Ventura, la biographie par Philippe Durant

Acteur fétiche du cinéma populaire français, bien que toujours italien, Lino Ventura (1919-1987) aura su imposer aussi bien la puissance de sa carrure d'ex-lutteur-catcheur que la finesse de son jeu. Du Gorille à Garde à vue, en passant par des films devenus de vrais mythes comme, bien sûr, Les Tontons flingueurs ou L'Armée des ombres, un Taxi pour Tobrouk ou Les Misérables, autant d'interprétations qui font de Lino Ventura un des plus grands acteurs du cinéma français.

Immigré en France pour fuir la misère de Parme, après une première carrière de catcheur quand ce sport-spectacle était la grande mode, Lino Ventura a l'opportunité de jouer un italien pour Jacques Becker : premier rôle face à Jean Gabin dans Touchez pas au grisbi (1953). Aussitôt sa prestance et sa prestation sont remarqués et la carrière d'acteur s'ouvre à lui. Soixante-quinze films plus tard, il est resté lui-même tout en devenant, à son tour, une légende. Dans sa vie privée comme au cinéma, Lino Ventura gardera l'image d'un homme pour qui l'amitié virile est une religion, l'heure du repas un moment sacré et le respect de soi en toutes circonstances une règle de vie, lui faisant refuser de grands rôles qui ne lui correspondent pas ou des scènes qu'il juge peu morale (jamais il n'acceptera de scènes de baiser par exemple).

La biographie que lui consacre Philippe Durant est impressionnante par la quantité de documents et de témoignages qui sont invoqués. On sent surtout l'affection et l'admiration du biographe pour son personnage, qu'il fait vivre et pour lequel il garde son oeil juste quand il s'agit d'évoquer des parties moins glorieuses de sa vie, ses colères froides par exemple. La biographie fourmille d'anecdotes qui font vivre toute une époque du cinéma français, d'analyse de films, de rôle, et fait entrer en plein dans ces "bandes" (1) qui furent sa deuxième famille et qu'il exposa plus que la première. Car Lino Ventura, sous ses airs de masse bourrue, était un homme pour qui la vie privée avait un sens, ainsi que la confiance : le livre s'ouvre sur l'histoire de la relation entre Lino Ventura et Philippe  Durant et la patience qu'il fallut pour que le monstre sacré du cinéma comprenne que le jeune étudiant d'alors était autant un travailleur acharné qu'un admirateur. 

Ne jamais employer ce mot car il est toujours bousculé par le temps qui passe, mais à moins d'accéder à de nouvelles archives et d'y consacrer, comme l'a fait Philipe Durant, une grande partie de sa vie, il y a fort à parier que son Lino Ventura restera longtemps sa biographie définitive (2).

Loïc Di Stefano

Philippe Durant, Lino Ventura, First, 528 pages, juin 2014 22,95 eur

(1) Philippe Durant a consacré un essai à la Bande à Gabin.
(2) C'est le second livre que Philippe Durant consacre à Lino Ventura, celui-ci venant corriger et compléter de manière assez conséquente le premier.


NB : Philippe Durant est collaborateur du Salon littéraire
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