"Casino d'hiver", dans les coulisses du cinéma de Dominique Besnéhard

Royal Casino

Si quelqu’un connait admirablement les coulisses du cinéma français c’est bien Dominique Besnéhard. Il fut tout à tour assistant, directeur de casting, agent (on ne dit plus imprésario) et producteur, tout en exerçant avec une belle constance des activités d’acteur (dans le récent Casse-tête chinois, il joue un éditeur exigeant !). Bien que toujours débordant d’activités, il a décidé à son tour de coucher ses mémoires sur le papier.


Contrairement à beaucoup d’autres, il ne se contente pas de bâcler une centaine de pages narrant à la va vite les grandes heures d’un riche parcours. Lui raconte tout par le menu. Il fait plus que se confier, il se confesse. Parlant un peu de lui, de ses joies et de ses erreurs, et beaucoup des autres qui lui apportèrent tant sur bien des plans. Or ces autres ce sont des gens de cinéma et du spectacle qui ont fait un sacré chemin. Beaucoup de femmes (Nathalie Baye, Sophie Marceau, Béatrice Dalle….) et quelques hommes (Claude Berri, Jacques Doillon…).


Cela donne un livre copieux (475 pages) et parfaitement digeste. Car Dominique Besnéhard n’a pas la langue de bois. Il parle avec franchise et sincérité sans vouloir régler de comptes, à l’exception de Ségolène Royal qui occupe l’un des derniers chapitres. Comme elle n’œuvre pas dans le cinéma, même s’il en fait beaucoup, sa participation reste secondaire.


Donc Besnéhard dit tout. Plus exactement raconte tout. Il n’est jamais ni dans l’analyse ni dans des considérations esthético-philosophiques ni dans le jugement. Jamais pédant toujours passionnant. Il présente les faits c’est-à-dire films, les acteurs, les réalisateurs tels qu’il les a connus. Par exemple, lorsqu’il évoque Maurice Pialat, qu’il a beaucoup fréquenté (il joua pour lui dans A nos amours) c’est pour expliquer comment il montait ses films, comment il se comportait.


Conséquence : cet ouvrage pullule d’anecdotes, d’informations inédites. Tout amateur de cinéma découvrira avec suavité des centaines de détails et de faits majeurs oubliés ou passés sous silence. Pour ma modeste part, j’avoue que je ne connaissais pas mille et un détails qui éclairent certaines productions sous un autre jour.


Par cette succession de faits avérés (Besnéhard a une mémoire d’éléphant et a vérifié chaque détail dans ses archives), la lecture coule de source. On est dans le vécu, dans le vivant. On rencontre les gens, les côtoie. On comprend mieux le comportement des comédiens, êtres complexes et fragiles (certains mériteraient une bonne paire de claques pour revenir sur Terre) autant que des producteurs, personnages louvoyants et insaisissables.


Oui, vraiment aucune fausse note dans cette partition en la majeur qui résonne parfois comme une sonate jouée avec mélancolie par un petit orchestre participant à la fermeture hivernale d’un casino. Un petit air de Mort à Venise ?


Aimant traquer la petite bête, j’ai cherché l’erreur, la confusion, la bourde impitoyable. Rien ! Besnéhard ne commet aucun impair. Il connaît vraiment le cinéma sur le bout des ongles et, même si l’on devine qu’il pourrait encore en dire beaucoup plus (à quand un tome 2 ?), il ne se trompe jamais. Sa seule approximation – et elle est minime – se situe page 124 quand il affirme que, dans les années 60, la blonde starlette Françoise Deldick entra « à cheval et à demi nue dans le hall du Carlton » en plein festival de Cannes. L’anecdote est exacte à cette petite différence près que Deldick n’était pas Lady Godiva et ne se promena pas à moitié nue. Pantalon moulant et chemise entrouverte. Le fait d’entrer dans le Carlton (qui, prévenu, avait démonté une partie de la porte d’entrée !) fit suffisamment sensation. Mais ne relança pas la carrière de la Deldick. Je tiens une photo à la disposition de M. Besnéhard. Aucun autre (léger) écart, c’est dire la qualité des informations.


Au final, je hisse cet ouvrage pas très loin du Ruisseau des singes de Jean-Claude Brialy (que Besnéhard à bien connu) par son ton, sa franchise et la qualité de son propos.


Mon seul bémol est que le texte sent, parfois, un peu trop le langage parlé. Certaines phrases ne sont pas à la hauteur du talent de son auteur. Mais, pris par le flot du texte, cela n’entrave en rien la lecture.


Philippe Durant


Dominique Besnéhard, avec Jean-Pierre Lavoignat, Casino d'hiverPlon, 475 pages, mars 2014, 21 eur

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