Jean-Claude Walter /Dans l’œil du dragon : "Le gardien du seuil"

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Jean-Claude Walter a été l’un des fondateurs de la « Revue Alsacienne de Littérature ». Son œuvre, diversifiée et exigeante, a été publiée par les plus grands éditeurs, dont Gallimard pour son essai sur Léon-Paul Fargue, et Flammarion. Son nouveau livre, aux éditions Arfuyen, porte le titre révélateur de « Dans l’œil du dragon », faisant ainsi référence à l’une des gargouilles de la cathédrale de Strasbourg, une manière propre à l’auteur de marquer le territoire, visible et invisible, sur lequel s’exerce son regard : l’Alsace. Si Jean-Claude Walter désigne le lieu de son inspiration, là où il a toujours vécu et d’où il prend son essor, il serait erroné de voir en lui un écrivain régionaliste. Comme Giono, qu’il admire, c’est en parlant au plus près du terroir qu’il exprime le mieux ce qu’il y a d’universel et d’authentique dans l’homme, et quand il évoque ses souvenirs chacun peut y reconnaître, en d’autres lieux, une part de son enfance.

Le style d’écriture qu’il adopte est proche du fragment, mais avec ici cette singularité que chaque fragment, s’il fait partie d’un tout, constitue aussi un texte à part entière. Cette forme ne permet aucune concession à la facilité et à la fioriture. Si Jean-Claude Walter l’a choisie, c’est précisément pour dire au plus juste, dans un style dépouillé et sans emphase. Il y a partout ce silence : avant la phrase, face au mur blanc de la page, mais aussi celui qui rôde autour des phrases et s’insinue en elles. Comme il l’écrit lui-même : « Quel est-il cet envers des formes et des couleurs, ce halo de l’invisible, et la prégnance d’un SILENCE partout contenu ? À toi de le faire parler, disais-tu aux mésanges et aux halliers, sans l’espoir de la plus petite syllabe en guise de réponse. »

L’auteur nous livre des moments de sa mémoire, souvent guidé par des odeurs. Il le fait avec tendresse et pudeur, avec cette part de non-dit ou d’impossible à dire. Je pense tout particulièrement à l’évocation de la Mère (qu’il oppose à mère, dans une sorte de distance du réel au sacré) et surtout du Père dont on pressent, sans en être tout à fait sûr, qu’il est mort à la fin de la guerre : « Des hommes en kaki nous abreuvaient de sucreries –pêches au sirop, chocolat, chewing-gum, et coca à toute heure – la gent des marmots se vautrait dans l’extase. Bien sûr on n’y comprenait rien à leur baragouin, mais ces diables d’Américains avaient le sourire si éclatant qu’on se confiait volontiers à leur visage…Au réveil d’une nuit agitée, ce paradis brusquement s’écroula quand je vis que Père n’était pas de retour. Et je me mis à courir sentes, chemins et le village à perte de vue… »

Jean-Claude Walter ne voyage pas seul dans son livre. Outre le beau regard qu’il porte à Soulages, Chessex, Venaille, Schiele, Rimbaud, il aime à se faire accompagner des écrivains qu’il apprécie par des citations, comme des repères sur le chemin qu’il arpente dans son errance. Ils sont nombreux ces compagnons de route : Pessoa, Proust, Saint-John Perse, Stendhal, Perros, Camus, Breton, Calet, et je ne peux les citer tous. « Je m’attache à mes compagnons pour ne pas perdre pied : mes livres », écrit-il.

Mais il y a aussi, écrivant, ce lieu où l’on est seul avec le silence et les mots « qui frappent à la porte ». L’écrivain doit alors livrer combat. «Nous cherchons l’affrontement, dit-il encore, le face à face avec nous-même. L’empoignade. La mise à nu ».

Venez découvrir « Dans l’œil du dragon », publié aux éditions Arfuyen.


                                                Alain Roussel

 

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