Michel Host : Trois femmes

Michel Host berce nos nuits fragiles dans la soierie de son périple. Trois déesses l’accompagnent que l’Aleph couronne: Atalante, Albane, Amarante.  A travers elles son peuple intérieur passe de la féerie gelée à la brûlante, chevauche monts et merveilles entre la douleur et le plaisir. Le poète par la fantasmagorie d’un an (commencé dès 1973 et achevé un demi-siècle plus tard)  tente de guérir  de l’extase du vide et de la maladie du temps même si à la fin le doute subsiste :

« Là était le rêve là était la vie l’an s’achève

Et proche le vent enclot  tout soupçon

Eclats des paroles amours souffrance geste

Brûlés enlacements regards à merci  soupirs

Embrassements rien tout ne se tirera donc d’oubli ? »


Tel un ange noir l’auteur nous tire par les pieds, agite nos bas fonds. La poésie est plus exaltée que le feu. Elle possède de la chair et du sang jusque dans le songe. Un tel chant débarque jusque dans notre inconscient sans doute pour porter la lumière dans l’ombre de ses caves où veillent les trois vierges de la lumière, de la terre et de l’eau. Elles font - Atalante en premier-  du poète l’assoiffé que rien ne le désaltère sinon des rêves bleus qui le broient dans un grand luxe d’écriture autour des cris de fées.


Ne négligeant jamais le pathétique Michel Host veut rallonger le sursis de bonheurs trop brefs tant que faire se peut. Et ce en dépit de « la terreur insolvable dès l’aube du temps ». S’adressant à ses égéries autour du monde ou autour de leur chambre il offre l’étrange et l’étranger, les flux qui l’enlacèrent à elles et qui l’ont furtivement ou profondément métamorphosés. Elles rentrent encore par les pores de sa peau sans digue, ni barrage. Elles se cristallisent avec lyrisme mais aussi sobriété et violence là où remontent du ventre et de l’âme les sensations. Le passé reprend chair à l’homme de et des sables. Il se souvient des sourires (« orages violets sur les villes »)  de ces trois grâces. Reste son chant à la fois terminal et  primitif. Il disloque la distance aux terres rouges du passé et ramène l’harmonie dans leur sillage. Le texte-transe remonte dans le tam-tam du corps. Le t’âme-t’âme de l’écriture bat en mesure et  démesure. Reste sur chaque page des marges substantielles (le blanc) que les images de Danièle Blanchelande boivent.


Michel Host enfouit et déploie. Tout est suspens et retombée dévoilant la profondeur du contact par les mots torches. La poésie devient  application de l'espace et du temps  sur lui même. Elle trouve ici l’aptitude à dire l'impossible, à régurgiter l'émotion si longtemps retenue par pudeur. S’allonge progressivement le geste sur lequel l’attention doit porter. C’est un retour sans l'aller au-delà de l’aller sans retour. Restent un fond, un bruit, un fluide, un flux, la lumière (et non éclairage) par l'oxygène de l’écriture mais son azote aussi.  Le tout dans la nécessité du secret et l’impératif de la parole.  Son tissu est si fin pourrait tomber en pièces sans l’énergie qui le tend là où le poème évitant le récit vient à bout du seuil infranchissable pour rejoindre les départs, les points de nulle part ensablés de beauté.


Jean-Paul Gavard-Perret


Michel Host, Les jardins d’Atalante, images de Danièle Blanchelande, Editions Rhubarbe, Auxerre, 66 pages, 12 €


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