Laurent Cennamo after hours

En ses deux premiers livres, Cennamo proposa un double travail sur la temps et l'espace, une interrogation aussi sur ses racines aux frontières d’une abstraction élémentaire, entre le différé et le présent, le partage et son impossibilité. Le père et la mère était les pions majeurs de ce jeu de dames d’hommes, d’âme et de « home ». Là où ne restait qu’un désordre le poète en relevait les décombres. Mais avec ce nouveau texte la poésie dégage soudain d’un lieu d'enfermement même si le mouvement est complexe comme le prouve le titre et le vers qui le complète : « À celui qui fut pendu par les pieds  / miraculeusement l'âme est rendue ».

 

Existe dans cette recherche une suite de degré : en utilisant l’image, les listes et la littérature proprement dite, le poète crée les limites d’un équilibre précaire capable de traduire une précarité et la fragilité de la présence au monde. Surgit de ce livre une forme d’ascèse, d’austérité,  mais aussi d’énergie et de fascination. L’Autrefois rencontre le Maintenant, en une fulguration en une nouvelle  confrontation ou de rencontre inespérée avec l’existence. L’oeuvre ouvre à des états intermédiaires. Ils arrachent au cerclage de la divinité du binaire et de sa violence réductrice afin d’exprimer et de montrer ce qui se passe dans l’entre deux. Tout cela n’est pas sans rappeler, sur un autre registre, l’œuvre terminale de Beckett, à laquelle Cennamo dans sa jeunesse donne une sorte de continuité. On se souvient du dernier texte de l’auteur  écrit moins de deux mois avant sa mort  : « folie vu ce - ce - comment dire - ceci - ce ceci - ceci-ci - tout ce ceci-ci - folie donnée du comment dire - folie que de vouloir croire entrevoir quoi où - où - comment dire -  comment dire - là - à peine - loin à peine quoi ».

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Laurent Cennamo, « A celui qui fut pendu par les pieds », La Dogana, Genève, 96 p., 20 E.

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