Le bal des mots dits

 


Les trois auteurs de ce superbe livre  prouvent que l’érotisme est le lieu de l’immense désordre. Tout est affaire de tremblement mutuel de  ceux qui -  et ce sera leur seule morale - s’accordent sur ce qu’ils (se) font et pour lesquels l’esprit n’est pas rien. Preuve qu’une fois de plus Baudelaire se trompait lorsqu’il affirma « qu’aimer une femme intelligente est un plaisir de pédéraste ». Partager le corps au sceau d’une communauté intellectuelle  n’est-ce pas là la plus sure volupté de perdre pied et de lâcher le possible pour l’impossible et de faire par lui des êtres  non une bête à deux dos mais des « médicamants » ?

Les corps peuvent devenir des œufs durs mais aussi ouvertures et se retrouvent charpie plus que bloc. Il n’est plus de tabou : la « poésie » (pas n’importe laquelle) le remplace ici selon  trois lignes mélodiques faites de stupres et de joies. A force de souffler dans la caverne Platon lui-même se fait périnéen. Extension, flexion, fiction, piston, ça vient, ça déborde. En bouche sperme gicle lorsque se mâche le fretin. Mais si tout fait ventre, le cerveau garde son mot à dire. Sans lui tout n’est que gangue de glandes et gadoue en sauce blanche. Il permet aux auteurs d’entamer un gloria. La messe est ainsi dite et reprise. Là où les cavités se bouchent la lumière jaillit. Reste des géométries et des tournis de mots et de photographies. L’oeil  est révulsé, dilaté au rythme de cancres là sans sépia, plus mouillés qu’hier et bien moins que demain. Croix de bois, croix de mère, si je meurs c’est de l’édénique enfer.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Frederika Fenollabbate, Nicolas Le Bault et Frédéric Fenollabbate, « Jus de Crâne », Editions "Réseau Tu Dois", Paris,

 


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