Jean Gabriel Cosculluela et Richard Meier : Strip-Tease

Aux "explications" poétiques et cosculléliennes sur ce que le livre exhibe lorsqu'il est effeuillé, répond la mise en encre des silences meieriens  issus  de la fameuse partition 4' 33 de Cage, de la pièce de Shakespeare Beaucoup de bruits pour rien et des propos du poète qu'il accompagne.

Et les créateurs ramènent à deux questions : Qu’est ce qu’un livre ouvre ? Que devient les mots quand la nudité du livre les met à la lumière,  les sort des ombres des pages jusque-là repliées ?

S'inscrit dans cette mise à nu le plus déroutant des voyages. Si bien qu'en lisant un tel ouvrage se montre aussi en quel sens le mot écrire peut être mis à nu. Et les auteurs ramènent  à l'injonction de la Madame Edwarda de Bataille au bordel qui, cuisses ouvertes, indique l'injonction première : Tu dois regarder regarde.

Cosculluela rappelle que tout livre renaît à chaque lecture. C'est donc à peine un objet puisqu'il n'a de sens que s'il est repris et ouvert. Comme le corps de la femme il sexpose et sexplore dans un exercice non-onaniste de la solitude. La nudité du livre propose alors une sorte de sidération d'absolu qui égale l’exhibition de celle qui fut une nuit et pour toujours Madame Edwarda .

En compagnie et à la suite de Meier, l'auteur enfonce le clou en extrayant de la pièce de Shakespeare une "lecture désirante". D'où un dialogue avec des phrases de la pièce et avec en rouge et script leurs notes et annotations des auteurs. Le tout afin de prouver que je ne trouve dans le livre que des traces d'inconnu. Il faut dès lors les poursuivre. Car chaque livre – et contrairement au strip-tease de la plus belle fille du monde – peut donner plus que ce qu'il a.

Bref, le livre nu s'invente à chaque fois. Il casse le parfait silence tout en le cherchant : qu'on pense à Beckett : celui-ci le place au même niveau que la question du livre. Ce dernier "fait" nu avec le monde, la vie, l'écriture. Il y a donc là et jusque dans les notes et didascalies de tout texte, la nudité inachevable mais que chaque créateur et tout lecteur tentent de faire reculer.


Jean-Paul Gavard-Perret


Jean Gabriel Cosculluela,  Le livre nu, Beaucoup de bruit pour rien &..., encres de Richard Meier, Voix éditions, mai 2021
Richard Meier, Pour Rien beaucoup de Bruit, Voix éditions, mai 2021

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