"Une plaie ouverte", les pièges de la narration éclatée

A la découverte de Patrick Pécherot

 

De Patrick Pécherot, avouons-le sans barguigner, nous n’avons rien lu. Il a en tout cas réussi à gagner le grand prix de littérature policière en 2002 avec Belleville-Barcelone et le trophée 813 du meilleur roman noir francophone en 2009 avec Tranchecaille : Patrick Pécherot s’est donc installé dans le paysage du polar français. Avec Une plaie ouverte, il  livre un roman noir historique (dixit l’éditeur) avec comme personnages principaux des communards comme Louise Michel et des artistes comme Rimbaud,Verlaine, Courbet. Du beau monde en somme !

 

Retour inévitable du passé

 

Marceau travaille pour Charles Pathé et s’occupe des films reçus d’outre-Atlantique, particulièrement des premiers westerns. Un jour, en visionnant une bobine, il croit reconnaître Dana, un de ses camarades de la commune. En 1871, Dana et Marceau appartenaient à une bande d’amis qui s’était enthousiasmé pour la Commune. Dana couchait avec la belle Manon, un des modèles de Courbet et Marceau, bien évidemment, le jalousait. Lorsque la Commune plie sous les assauts des versaillais de Thiers, le groupe se disperse. Marceau reste persuadé que Dana s’est enfui avec de l’argent destiné à la solde des soldats rouges. Trente ans après, seul survivant, il est prêt à tout pour retrouver son ancien ami. Mais Marceau est-il vraiment sûr de ses  souvenirs ? Sa mémoire n’est-elle pas obscurcie par le Laudanum ? Passé et présent se mélangent…

 

Le lecteur est perdu

 

Patrick Pécherot s’est beaucoup documenté pour ce roman (ce qui ne l’empêche pas de compter Clemenceau parmi les communards, passons…) et réussit à nous restituer une atmosphère, celle du Paris de la fin du dix-neuvième siècle que nous ne connaissons que par de vieux daguerréotypes. C’est le point fort d’un roman qui ne tient pourtant pas ses promesses… L’auteur a voulu recréer une époque tout en peignant le portrait d’un homme, Marceau, qui glisse progressivement vers la folie (car le Marceau se cache bien des choses), d’où une construction éclatée entre passé et présent, qui, malheureusement, perd le lecteur. A un moment, nous ne savons plus où nous en sommes, qui est qui. Dans un autre contexte, Dennis Lehane avait su avec Shutter Island nous offrir le portrait d’un homme mélangeant les faits de son passé et les fantasmes de son imagination. Difficile exercice que, d’ailleurs, Martin Scorcese échoua à transposer à l’écran. Une plaie ouverte de Pécherot échoue à rééditer l’exploit de Lehane. C’est dommage car cet auteur ne manque pas de qualités.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Patrick Pécherot, Une plaie ouverte, Gallimard série noire, septembre 2015,  271 pages,  16,90 €

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