La Marche des lemmings, la deuxième mort de Charlie Hebdo

Comment peut-on ne pas être Charlie ? Cette question a conduit certains journalistes à une hystérie délirante poussant quasi à l'excommunication des hérétiques. C'est devenu un impératif catégorique kantien, il fallait être Charlie ce 11 janvier 2015 ! Mais la belle unanimité était-elle autre chose qu'une façade ripolinée par les services de communication de l'Elysée ? La thèse de Serge Federbush, opposant affiché à la politique du gouvernement Hollande et auteur de quelques charges remarquées, est celle d'une manipulation politique pour cacher les défaillances avant la tuerie de Charlie Hebdo, pendant la fuite des assassins, et après dans l'organisation d'une immense manipulation afin d'envoyer les Lemmings — les béats crédules, donc, ceux qui fièrement s'entassaient place de la République — dans le mur de l'abrutissement et créer un "esprit Charlie" aussi faux que purement électoraliste... 

La Marche des lemmings, la deuxième mort de Charlie Hebdo revient sur ce drame national en deux moments, d'abord en analysant les faits de son oeil acerbe et pointilleux, ensuite en posant des hypothèses (fort peu politiquement correctes) sur l'après-Charlie et, contrairement à toutes attentes, à une défense et illustration de l'islamisation de la France. 


"Jamais nous n’avons connu un aussi grand danger en matière de terrorisme" proclamait Manuel Valls, premier Ministre, le 22 décembre 2014, quelques jours après différentes attaques dont une voiture kamikaze sur un marché de Noël – mais autant d’événements isolés et sans rapports les uns avec les autres, pas d'amalgame, etc… Pourtant, dans ce contexte historique, les journalistes les plus exposés, ceux de Charlie Hebdo, dans ce climat de particulière hystérie islamique, ont vue leur protection fondre comme neige au soleil et n’avoir que deux policiers auprès d'eux. Les spécialistes expliquant qu'il en aurait fallu au moins huit, les journalistes devenaient une cible prenable. Et l'horreur eut donc lieu. Celle qui était prévisible mais qu'on a, selon Serge Federbush, sinon laissé faire du moins rien fait pour l'empêcher.

 

Serge Federbush rappelle avec ironie la cavale des frères Kouashi qui échappent à toutes les polices parisiennes (passant sas être suivi devant pas moins de sept commissariats), celle de Coulibaly, les défaillances policières et la récupération politique ou journalistique, ceux qui dénonçaient les risques pris par Charlie avant étaient les premiers à leur en faire honneur après (tel Laurent Jauffrin).  Aussi bien, la présence dans le cortège "pour la liberté de la presse" de nombreux dirigeants qui l’oppriment chez eux… 

 

"Tout l’art des communicants présidentiels aura consisté d’une part à occulter la responsabilité du pouvoir dans les massacres et la cavale si peu entravée des assassins et d’autre part à transformer Hollande en un quasi-héros ayant su dominer ses émotions et la situation alors qu’il fit le minimum obligé."


Un travail salutaire de mise à plat de l’événement, sans nier le vrai drame, mais en montrant comment il a été récupéré pour dresser le portrait d’un "chef de guerre" en mal de popularité, et les sondages qui redeviendront ridiculement bas pour le Président et son premier ministre après une fausse embellie d'à peine un mois en seront la preuve surnuméraire... 

La cible de Serge Federbusch ? c’est François Hollande, comme dans ses précédents essais. Un Président décrit comme manipulateur et pleutre, dont la seule réaction sera de flatter l’électorat musulman en vue de conserver son mandat, d’où un certain nombre de mensonges (démontés un par un, les fameux "pas d’amalgame") et des efforts constants pour faire croire que "la République française reconnaît tous les cultes" (Le Parisien, 1er mars 2015) alors que la loi dit le contraire. Mais quelle souplesse présidentielle pour, au final, et assisté de tous les média de gauche, retourner la situation et faire croire que les victimes des attentats sont les musulmans (car l’Islam est de paix et ce sont les vilains intégristes qui…) et les responsables l’extrême droite, de Zemmour à Houellebec, sans oublier l'épouvantail Dieudonné...


"Après les crimes des Kouachi et de Coulibaly, nous eûmes droit, répétons-le, à une double diversion : celle qui, grâce à la manifestation du 11 janvier, distrayait les masses de la contestation des carences du pouvoir et celle qui, grâce à l'appareil idéologique de la gauche, les distrayait d'une mise en cause de la communauté musulmane."


Malheureusement, l'époque n'est pas encore prête à admettre qu'un tel essai puisse être salutaire. Les lois répressives qui se votent, sur le modèle américain, sont directement issus de cette manipulation politique, et sous couvert de liberté offre une arme liberticide aux faux dévots qui finiront par s'y brûler, devrait obliger certains à se ré-aprorpier ce 11 janvier. Serge Federbusch va convaincre ceux qui déjà doutaient, mais les autres s'en écarteront comme de la peste et crieront au complot. Les politiques ayant préféré unanimement cacher leurs défaillances derrière une communication qui fonctionne comme un rouleau compresseur, il est fort probable qu'ils n'ouvrent pas plus les yeux et s'intéressent à cet essai. Quant aux Lemmings — vous, moi —, le temps n'est-il pas venu de poser quelques bonnes questions ? 

 

Loïc Di Stefano

 

Serge Federbusch, La Marche des lemmings, la deuxième mort de Charlie Hebdo, Ixelles, mai 2015, 208 pages, 12,90 eur


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