Images sacrées

Selon ce qui a été rapporté, le moine iconographe Andreï Roublev (env. 1360 - env. 1430) ne peint la célèbre icône de La Trinité, exposée à la galerie Tretiakov à Moscou, qu’après des prières et un long jeune, comme pour appeler à lui un surcroît d’inspiration et être ainsi digne du sujet qu’il veut peindre. Lent travail de la pensée et ascèse du corps dont le cinéaste Andreï Tarkovski rend compte également dans son film qui porte le nom de l’artiste. Cette œuvre à elle seule est la parfaite illustration de ce qu’est l’icône, où l’art et la spiritualité se rejoignent indissolublement. L’icône religieuse, apparue au cours du VIème siècle, trouve ses racines autour de ce centre de haute culture qu’est Byzance, se propage en Grèce, pour aller s’épanouir quelques siècles plus tard en Russie. Tout ce qui se rapporte à l’icône est en quelque sorte contenu dans celle de Roublev, la beauté divine, l’histoire biblique, des personnages saints qui transcendent lieux et temps, la foi qui émane de chacun et irradie l’ensemble du décor, des repères pour comprendre la scène, des couleurs qui ont une signification, des symboles, des lettres. Une tradition en somme qui se perpétue et que ce livre explique afin que devant l’image elle-même, l’œil comprenne et le cœur aussi. Lumière et joie conduisent vers une gloire qui semble lointaine et inaccessible et pourtant, comme dit l’Archimandrite Syméon, cité en exergue, ne se détourne pas de l’autre, quel qu’il soit, notamment en souffrance.

 

La lumière est à la fois commise à éclairer le travail de l’artiste, en révèle les détails et les contrastes mais elle est porteuse d’une autre illumination, celle de la Transfiguration et ainsi ouvre au sens du mystère. De même, visages, gestes, regards expriment le mystère de la personne, qu’elle soit le Christ Pantocrator, la Vierge, les saints ou des anges. Autre élément fondateur, cette notion qui dépasse et enveloppe l’être, celle de l’espace-temps, qui renvoie au Royaume et assure le lien entre le monde terrestre et l’univers céleste.

 

De nombreuses icônes et des dessins illustrent le texte écrit par une spécialiste de l’iconographie et qui l’enseigne également. Les citations choisies appuient la pertinence et la qualité de ces pages. Non seulement les amateurs d’icônes religieuses et les iconophiles en général apprécieront cette lecture mais les curieux d’un art rare et rayonnant.

 

Dominique Vergnon

 

Hélène Bléré, Lumière joyeuse, le langage de l’icône, éditions Racine, 18,5x24,5 cm, 302 pages, avril 2015, 29,95 euros.

 

Aucun commentaire pour ce contenu.