L’avalante, l’avalée : Regina Demina
Le moyen-métrage de Regina Demina est fascinant. Les silences (entre 4 séquences « musicales ») se métamorphosent en flammes sourdes. Se logeant sous la peau, elles sont alimentées par quelques images secrètes ou par les trois protagonistes du film ou plutôt les deux couples qu’ils forment successivement. Chacun d’eux est magnifiquement saisi par la réalisatrice actrice. Il porte en lui - du moins la femme puis l’homme que la jeune femme rencontre - un narcissisme, une pudeur ou une peur qui laissent l’héroïne sinon autonome du moins clandestine et seule.
Du lieu clos premier jusqu’à la montagne terminale s’aperçoivent des possibilités de paradis entraperçus et aussitôt évanouis. Regina Demina crée une mythologie intime que chacun porte en soi. Plutôt que le désir n’éclate tout reste dans le non-dit, le silence avant le gémissement final de l’Alpe. Regina Demina joue presque le rôle d’Athéna : celui de la sagesse qui entend les soupirs des voix nocturnes, les murmures des rêves fous. Mais au lieu du fleuve amour à l’eau sauvage, la neige va écraser les braises, étouffer les ressacs amoureux par ceux dévastateurs tout autant de l’avalanche. Elle devient la pyromane glacée qui rejette les étreintes et les élans dans l'ornière des congères.
Le moyen métrage dans ses grains de diversité mêle les remparts d’une amante religieuse à un amour silencieux. Sa réalisatrice ignore la vulgarité ou le pathos : elle tait la souffrance voire s’en amuse. Mais elle infuse des sensations satinées mais fractales dans la manière avec laquelle la réalisatrice cadre ses personnages. La musique crée ça et là des larmes et la douceur : « Animal » de Mansfield Tya, deux reprises de Chrisler Rose de Dashiell Hedayat par Perez et de Jean-Philippe Verdin sont intégrés à la narration du film et dans le jeu des personnages à la manière des comédies musicales devenues électronique Lo-Fi ou en parlé-chanté a capella. Ce choix esthétique et narratif brûle la nuit, glorifie l'instant de partage Sous effet cocon rien n’est innocent. Mais jusqu’à l'orée de l'excès de l’avalanche une forme d’abscisse de perfection est ordonnée en images floconneuses mais nettes donc opalines.
Jean-Paul Gavard-Perret
0 commentaire