L'amour et les forêts

Bénédicte Ombredanne est mal mariée à un pervers qui la harcèle. Malheureuse, elle tient bon pour ses enfants et son métier de professeur de lettres ; très cultivée, elle correspond avec Eric Reinhard dont elle admire le talent. Habitant Metz, elle vient deux fois à Paris et lui narre sa triste vie. Ils entretiennent ensuite une correspondance un peu distante. Elle lui livre notamment lors de ces rendez-vous au Palais royal le récit de la journée où elle a été heureuse : son escapade d’une journée avec celui qui aurait pu être l’homme de sa vie mais qu’elle n’a jamais voulu revoir. Continuant à vivre l’enfer avec son mari qui a eu connaissance de l’escapade et le lui fait payer dans des scènes de violence psychologiques insoutenables.

Le romancier dépositaire de sa parole ne peut qu’écouter et s’étonner d’une telle abnégation. Pour quelles raisons ne quitte-elle pas ce monstre ? Pourquoi refuse t-elle le bonheur qui est à sa portée en demandant le divorce ?

Son attitude paraît incompréhensible au XXIe siècle. Elle est jolie, indépendante a tous les atouts pour se défaire d’une situation qui la tue à petit feu.

Dans sa vaine lutte pour sa liberté, elle ne fait que s’enfoncer dans le malheur
Car le personnage est plus complexe, plus insondable que les apparences qu’elle donne à voir.

Il faudra à l’homme de lettres plonger dans le passé de son interlocutrice pour tenter de comprendre l’indicible et livrer un portrait de femme souffrante qui ne se dévoilait pas. Se cachant au fur et à mesure qu’elle délivrait des informations jusqu’à ce que son existence  forme un puzzle maudit.

L’auteur nous offre un livre d’une puissance rare  dans la forme et dans le fond : grâce à la construction subtile du roman mêlant souvenirs, enquête, regrets, le personnage de Bénédicte Ombredanne  hante le lecteur longtemps après avoir quitté son univers.

Son mystère, son idéalisme n’est pas sans rappeler ceux des grandes héroïnes que sont Emma Bovary ou Anna Karenine.

 

Brigit Bontour


Eric Reinhard, L’Amour et les forêtsGallimard, septembre 2014, 365 pages, 21,90 euros.

1 commentaire

Ma chère Brigitte, j'aime infiniment mieux votre article que le livre,la construction est subtile oui, trop subtile pour ne pas sembler artificielle.Merci de m'avoir donné votre éclairage