"Mitterrand de l'intime au politique", les limites d'une démarche

 

Un sujet passionnant


Auteur de 

biographies de référence sur Georges Pompidou, Jean Monnet, Charles de Gaulle et Pierre Mendès France, Eric Roussel s’attaque maintenant à François Mitterrand, quatrième président de la cinquième République. Et disons-le tout net, quel sujet ! On ne compte pas les biographes qui se sont penchés sur le cas Mitterrand : Franz-Olivier Giesbert, Alain Duhamel, Pierre Péan, Georges-Marc Benhamou ou encore Jean Lacouture. L’homme politique, le stratège machiavélien, le « président- sphinx », l’Européen convaincu, l’ « homme couvert de femmes » : Mitterrand fut tout cela et bien d’autres choses encore mais la légende obscurcit parfois les faits.

 

Au printemps dernier, Michel Winock a livré un ouvrage stimulant et plutôt critique sur l’ancien croix de feu devenu promoteur de l’union de la gauche. D’Eric Roussel, on attend toujours beaucoup car ses biographies sont généralement passionnantes. Qu’en est-il ici ?

 

Une approche par l’intime

 

En fait, Eric Roussel propose une étude de caractère. Comment Mitterrand, jeune provincial « barrésien », de droite, est-il devenu cette bête politique, rusée jusqu’à l’extrême ? Après avoir rappelé l’importance (Michel Winock l’avait également fait) du catholicisme et de son message social dans la formation du jeune homme, Roussel avance l’hypothèse que c’est son échec sentimental avec Marie-Louise Terrasse (la future speakerine Catherine Langeais) qui a fait bifurquer Mitterrand, en même temps que l’épreuve de la guerre (la défaite, la captivité, l’évasion, Vichy et la Résistance). Le biographe cite abondamment les lettres du futur président à son grand amour: elles révèlent sa capacité à idéaliser la femme et à tout faire dépendre d’elle (comme c'est le cas de beaucoup de jeunes hommes au même âge). La rupture finale intervient à son retour en France en 1942 et le laisse meurtri: c'est à ce moment que la personnalité de Mitterrand change. Il s’affirme très vite comme un séducteur (au sens le plus large), un manipulateur et surtout comme un formidable ambitieux. Le général de Gaulle repère cette singulière personnalité et, s’il reconnait ses talents et son envergure (il lui donne finalement raison dans la lutte qui l’oppose à son neveu Michel Cailliau), il se méfiera toujours de lui. C’est dans cette confrontation à de Gaulle que Mitterrand sculptera son personnage.

 

Une impasse ?

 

Tout ce que nous raconte Eric Roussel est très intéressant mais déconcerte. Alors qu’il avait, dans ses biographies de de Gaulle et Mendès, privilégié le politique sur le privé, il procède ici par l’inverse. Du coup, il nous donne beaucoup de détails sur son histoire d’amour avec Marie-Louise Terrasse, qui coïncide il est vrai avec l’époque de la guerre, mais moins sur son action politique durant la IVième République ou même comme président de la République (est-ce parce que son action a déjà été abondamment étudiée ailleurs?). L’autre point saillant de l’ouvrage est sa relation avec René Bousquet : pour Eric Roussel, les deux hommes étaient amis, en tout cas alliés et le secrétaire général de la Police de Vichy aurait sauvé la vie du futur président durant la guerre (et il donne beaucoup d’indices troublants à ce sujet). Quid cependant de son action au sein de l’Internationale socialiste ? De certains aspects de sa politique étrangère comme  la Yougoslavie ? Et le Rwanda ? Au sujet de l’implication possible de la France dans l’assassinat du président Juvénal Habyarimana, Eric Roussel s’en tient à une analyse sommaire, s’appuie sur les conclusions du juge Bruguière et ignore superbement l’enquête du juge Trevidic, beaucoup plus troublante…

 

Au final, Eric Roussel déçoit, comme si il n’avait pu tirer de son sujet la matière à une biographie politique magistrale comme il en est d’ordinaire coutumier. Mitterrand a dérouté et se dérobe, une fois de plus…

 

Sylvain Bonnet

 

Eric Roussel, Mitterrand de l’intime au politique,  Robert Laffont, septembre 2015, 657 pages, 22 €

1 commentaire

voilà, voilà...ça c'est fait....

Bon, ben les gars, va falloir trouver un aut'sujet, maint'nant...Tiens,  il reste à publier  la couleur de ses chaussettes préférées, ou s'il était plutôt mécanique ou électrique côté rasage, ou encore s'il aimait la tête de veau sauce gribiche ou les nems.. .ya guère plus que ça qui n'ait pas été exploré sur le personnage par ces "historiens" dont les sujets sont choisis d'avance par leurs éditeurs en fonction des ventes  prévisibles . Et du buzz médiatique escompté  suite  aux pseudo révélations croustillantes à deux balles...   Et là, c'est un peu court.... on resterait sur notre faim, si on en avait eu une  .Maintenant, c'est vrai, on sait qu'à 18 ans qu'il écrivait des lettres d'amour à une future speakerine, y a pas, c'était absolument indispensable pour comprendre pourquoi il dinait couramment avec un criminel de guerre et comment il a baisé les communistes en 81...