Avis à mon exécuteur : Romain Slocombe achève le stalinisme

Avec ce roman d'espionnage (qui est aussi un roman historique), Romain Slocombe vient se placer aux côtés de John Le Carré avec son Espion qui venait du froid et l'extraordinaire On n'a pas toujours du caviar de Johannes Mario Simmel : voici donc le podium incontournable recomposé par l'arrivée de ce brûlot envoutant qui remet les pièces de l'échiquier sur les bonnes cases. Car s'il se lit d'une traite comme un roman d'aventures, il laisse aussi l'empreinte nauséeuse de la terreur portée au fil des années par la montée en puissance du pouvoir du NKVD et la folie destructrice de Staline qui n'hésita jamais à supprimer opposants et témoins : en 1936 il répète que l'entière génération d'avant la révolution et de la guerre civile doit être détruite, le 7 avril 1935 est promulguée une loi autorisant la peine de mort pour les enfants de 12 ans et plus. Durant l'été 1937, ce furent plus de 5000 membres actifs de l'opposition qui furent assassinés, marquant la première exécution de masse en URSS. Les tribunaux spéciaux, quand ils seront en pleine action, prononceront deux condamnations à la minute, et les exécutions, qui se déroulaient la nuit, pouvaient afficher au compteur jusqu'à 165 000 victimes en une année... toujours niées mais des charniers furent découverts en 1993 et 1997.

 

Staline et Hitler sont donc bien des frères jumeaux dans l'abomination, et il est toujours étonnant de constater que le Parti communiste demeure légal en France, qu'il continue à proférer des énormités sur la réalité historique, et dépense l'argent du contribuable dans des cabales vouées à échouer, comme, par exemple, les tentatives ridicules d’un groupe de sénateurs et députés pour continuer à s'opposer à la réhabilitation de Louis Renault, surtout quand on a lu l'incroyable biographie publiée par Laurent Dingli en septembre 2000, chez Flammarion (Grandes Biographies) qui démontre, documents à l'appui, l'imbroglio politico-économique de l'affaire (ayant épousé une petite-fille Renault, et historien de formation, il put avoir accès aux archives de la régie, et découvrit des documents restés sous la poussière depuis la fin de la guerre, au point que même, en 2000, Schweitzer l'avait supplié de ne pas publier son livre). Dingli met en lumière l’extraordinaire courage et la ruse dont Renault usa pour résister aux nazis et permettre à la France industrielle de redémarrer très vite car il avait dissimulé des centaines de tonnes de matières premières aux Allemands quand Citroën, Peugeot et Cie collaboraient tant et plus ; il démonte aussi toutes les calomnies qui ont été construites pour lui nuire, jusqu'à cette visite de communistes venus l'achever dans sa cellule, avec la bénédiction de François Mitterrand, qui, alors Garde des sceaux, couvrira l'opération visant à aller arracher, aux Archives, les pages du livre de bord, denier témoin... Ainsi donc, en miroir des nazis qu'ils sont sensés combattre, les communistes usent des mêmes armes, pour un même dessein car dans « dictature du prolétariat », demeure toujours le mot dictature.

 

Baltassat avait ouvert une nouvelle brèche dans le mythe utopiste et décervelé du communisme en présentant le dictateur soviétique sous l'une de ces facettes méconnues dans Le divan de Staline. Slocombe nous plonge au cœur du monde de l'ombre en nous dévoilant Le grand mensonge, journal apocryphe laissé par Victor Krebnitsky qui se serait suicidé dans une chambre d'un hôtel miteux à Washington, en 1954. Mais une lettre postée auparavant par l'intéressé démontrerait le contraire. Un manuscrit providentiellement découvert en 2012 dans les archives d'un vieil homme décédé, destinées à être incinérées, et sauvées par un libraire de Lausanne, permet au romancier de nous entraîner sur les pas du général Krebnitsy, alors simple agent résident à l'étranger, chargé de lutter contre les fascistes espagnols. Mais est-il authentique, qui dit la vérité ?

 

Il y aura toujours un gigantesque décalage entre les candides agents qui baignent dans leur confort et les illuminés qui vont se battre pour une cause, à n'importe quel prix, comme tous ces volontaires débarqués du monde entier pour s'enrôler dans les brigades internationales qui s'opposèrent à Franco. Ému, notre héros, de voir ce qui semble être la victoire du prolétariat à Barcelone : il a les yeux humides quand il contemple cette révolution qui se déroulait là, à portée de mains, à travers la vitre constellée de pluie d'une Hispano-Suiza conduite par un chauffeur (sic) travaillant pour la police secrète. J'ai toujours un doute quand j'entends persifler les défenseurs des opprimés bien campés dans des limousines, descendant dans des hôtels de luxe, dévorant sans compter les meilleurs plats pendant que la piétaille est en espadrille dans la mitraille, sous la pluie, avec un repas par jour et encore. L'espion est un romantique qui n'aime pas se salir les mains et manipule à dessein les autres pour faire le sale boulot à sa place ! Et que dire de ces « intellectuels » trop facilement adeptes de la doctrine stalinienne sans même se poser une ou deux questions comme l’impose leur statut : quid de Romain Rolland, Aragon, Barbusse voire Dashiell Hammett ou encore Bertolt Brecht ?

 

Avec son air so british de ne pas y toucher, Romain Slocombe joue au metteur en scène, distillant la mesure à une ribambelle de personnages attachants ou totalement ragoutants, dessille aussi les yeux des derniers obstinés de la Cause et, enfin, remet toutes les pendules à l’heure une bonne fois en maniant adroitement l’Histoire et les petites histoires qui font de ce livre un grand roman.

Son héros, chasseur devenu gibier, comme soudain réveillé d'un long cauchemar, s’habille d’humanité dans ce monde en fusion où seul le docte commande au prix de millions de victimes. Notre rézident découvrira qu'une guerre n'est jamais gratuite, et que l'Espagne en paya le prix fort (l'or de la Banque centrale est volé par les soviétiques et embarqué depuis Carthage vers Odessa) avec l'aval du ministre des finances de la République. Quand ce ne sont pas les œuvres d'art qui sont pillées avant que les anarchistes ne brûlent les églises, et revendues à Drouot. Puis viendra la double trahison : la défection de Staline qui entraîne la chute de la République (qui n'aurait pas perdu face à Franco) et l'alliance avec Hitler.

 

Ultime partie d’échec qui n’en finit pas de finir, un temps si bien relancée par la paranoïa américaine qui mit en scène un autre cinglé, tout aussi bien décrit par Marc Dugain dans La malédiction d’Edgar, Hoover (et son acolyte McCarthy), pourchassant l’hydre communiste au pays du libéralisme, ces mémoires, à trois quart vraies (la liste d'ouvrages consultés que Slocombe propose en fin de volume est stupéfiante), achèvent donc de détruire le mythe communiste, qu’il soit marxiste, léniniste, soviétique, staliniste ou tout autre argutie, n’en demeure pas moins une véritable saloperie…

 

François Xavier

 

Romain Slocombe, Avis à mon exécuteur, Robert Laffont, août 2014, 496 p. - 21,00 €

4 commentaires

Sans m'attarder sur le reste de la critique, juste un petit rappel historique : à la libération, c'était François de Menthon le garde des Sceaux - Ministre de la Justice et non François Mitterrand devenu garde des Sceaux en 1956 soit 12 ans après le décès de L.Renault.

J'espère le chroniqueur meilleur connaisseur des Lettres que de l'histoire. En l'occurrence, le fatras idéologique déversé - en plus des inexactitudes pour être poli - masque toute analyse sur la qualité romanesque. Dommage pour un site de critiques littéraires.

"La littérature est là pour donner un supplément de jouissance, non de décence."
— Roland Barthes

Présent dans la 1re sélection du prix Interallié 2014

Bon, d'accord, FX est un anti communiste primaire, primaire tout court puisque certains éléments évoqués sont tout à fait infondés et inexacts, et veut nous le faire savoir. Mais franchement, qu'est ce qu'on en a à f… de votre opinion, car j'étais venu sur le site pour y lire une critique littéraire digne de ce nom, et non pas pour sentir les relents de ces poubelles qui sévissent sur le net. Vraiment dommage, car Slocombe mérite bien mieux….