Anton Valens, Poisson & Cie

Après un premier succès mérité (Homme de ménage, Actes Sud, 2010) on ouvre le livre avec appétit. On connaît le bonhomme. Et cette idée de suivre un étudiant désabusé s’emparer du métier de pêcheur, donne envie. D’autant qu’il étudiait les Beaux-Arts. Se retrouve peintre ignoré. Chômage donc et inspiration absente ; généralement cela va de pair. Les fonds viennent à manquer. Alors quand un copain d’enfance lui propose une semaine de pêche sur le chalutier de son paternel, banco ! Les deux larrons se retrouvent, renvoi d’ascenseur. Et puis, au-delà du désœuvrement il y a la curiosité.


Ce récit sera celui de ces huit jours de confrontation avec les éléments, les codes du travail manuel sur un bateau, la cohabitation forcée avec les marins. Sans parler que sur mer, aussi, la police a son mot à dire. Quota, déclaration d’embauche, zone de pêche, que de failles faciles…


C’est le jeu des contraires. Plonger en milieu hostile un gentil artiste bien propre sur lui. Offrez-lui une bande de mal dégrossis qui pensent avec leurs mains. Imposez-lui huit jours et huit nuits dans la dureté d’un métier éprouvant. Un capitaine à l’allure de colosse et au caractère bien trempé. La bonne volonté ne suffira pas toujours…


Porté par une écriture sans élan mais toute aussi précise qu’elle pique des personnages cruels et égoïstes, ce récit poignant rapporte au plus près l’aventure à bord d’un chalutier. Grand écart entre les moments de grâce qu’offre la nature et l’intensité du travail. C’est l’humour qui sauve le livre du "déjà lu". Mordant parfois, pince-sans-rire ailleurs, candide aussi, toujours dans le contre-pied. Un artiste n’aime pas la violence. Et il en faut de l’abnégation pour ne pas répondre aux coups par des coups. Mais le ciel de traîne est sans pareil au grand large. Les couleurs titillent ses iris. Il peint enfin le tableau tant désiré. Virtuellement, dans le songe d’un instant volé entre deux remontées de chaluts. Dans l’écume bourdonnante en l’honneur des dérives existentielles qui lui sont propres. Monde décalé, écriture cristalline. Parenthèse de l’ailleurs.


Annabelle Hautecontre


Anton Valens, Poisson, récit traduit du néerlandais (Pays-Bas) par Annie Kroon, Actes Sud, janvier 2014, 160 pages, 17,00 €

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