Jacques Josse, Au bout de la route : La mort en tenue de camouflage
Jacques Josse l’observe dans ses œuvres à la fois singulières et définitives. Il la suit à la trace. Il fixe dans son écriture l’instant tragique où elle va stopper net l’élan vital d’une Isadora Duncan, d’un Jean Follain, d’un Roland Barthes, d’un Pierre Curie, d’un W.G. Sebald, d’un Murnau, d’un Jean Rouch, d’un Albert Camus, pour n’en citer que quelques-uns. Sa prose, extrêmement précise, avec ses phrases courtes qui taillent dans la route, avec ses brusques virages pris à toute allure dans les mots, a quelque chose d’hallucinatoire. Voici comment il décrit la mort de Pollock : … « Il négocie l’avant-dernière courbe. Il mord sur l’herbe, redresse la voiture d’un geste brusque et attaque le second virage. Il accélère encore. Cela lui fait du bien de sentir la mécanique rugir jusque dans ses muscles et ses veines. Il ferme les yeux, les ouvre à nouveau. Et voit subitement deux ormes qui lui foncent, tête baissée, droit dessus. Il décélère, braque et freine par à-coups mais les roues ne suivent plus. La voiture se cabre et part en crabe. Ça bloque sous les pieds. Ça cogne. Ça hurle. Il entend des cris à droite. Puis le choc, la descente, le vol plané. Son corps, projeté en l’air, retombe lourdement. Il sent ses os qui craquent. Puis il ne sent plus rien… »
Les belles gravures de Scanreigh qui accompagnent le livre sont comme des stèles funéraires où grince une sorte d’humour noir : c’est le rire de la mort.
Alain Roussel
Jacques Josse, Au bout de la route, Editions le Réalgar, janvier 2015, 40 pages, 8 €
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