"Le dos crawlé" d'Eric Fottorino - un roman initiatique chargé d'émotions


LE DOS CRAWLÉEric Fottorino, ancien directeur du Monde, auteur de Korsakov, Baisers de cinéma et L’homme qui m’aimait tout bas, nous plonge dans un univers nostalgique au moment où l’on bascule de l’enfance à l’âge adulte. Un moment délicat où, pressé de sortir de l’enfance, on doit faire face aux désillusions de l’âge adulte. 
    
Eté 1976. Sous la canicule, Marin, treize ans passe l’été chez son oncle Abel sur la côte atlantique, non loin de Royan. Il passe son temps avec Lisa, dix ans, entre la plage, le jardin de son oncle, la piscine. Lorsqu’il regarde Lisa, son cœur s’emballe et quand il regarde la mère de cette dernière, ancienne miss Pontaillac, c’est tout son corps qui réagit. Une étrange maladie qui l’inquiète surtout quand sa «quique » se dresse à la vue de l’écureuil entre les deux jambes de la miss. Heureusement, l’oncle Abel, monsieur Archibouleau, le docteur Malik et Monsieur Maxence sont là pour le distraire. Et il y a Lisa surtout qui « roule son regard noir avec du grave autour », Lisa qui ne sait pas nager mais avec qui il rêve de pays lointains. Avec une innocence enfantine, il décrit cet été où il va découvrir combien les adultes peuvent être décevants. 
     
Le dos crawlé a un goût de roudoudou, une saveur d’autrefois, celui d’une enfance d’un autre temps. Les mascottes à la confiture d’abricot dont se gavent Marin et Lisa, les fantômette, les objets chinés par l’oncle Abel créent une atmosphère singulière et une vision bien éloignée de l’enfance d’aujourd’hui. Loin des consoles de jeux et de la télévision, Marin et Lisa évoluent dans un univers poétique quasi surréaliste pour notre époque. Loin de faire l’apologie du passé et d’un « c’était mieux avant », l’auteur dépayse le lecteur pour donner plus de poids à la parole de Marin. Cette parole est à la fois intemporelle de par le thème, la découverte du monde adulte, et déconcertante par le style employé. Elle est la transcription littérale des pensées d’un môme de treize ans, corrézien et issu d’une famille d’agriculteurs dans les années 1970. Les mots s’enchaînent avec une ponctuation minimaliste, les fautes de grammaire s’accélèrent lorsque le cœur de Marin s’emballe devant Miss Pontaillac sur le mode « C’est quand qu’on va où ». Les émotions sont aussi bien retranscrites par le fond que par la forme. 
    
La poésie découle également des personnages qui entourent Marin. L’oncle Abel, d’abord, qui exerce un des plus beaux métiers du monde puisqu’il délivre les gens de leur passé. Depuis la rupture (d’anévrisme) de tante Louise, il a le Groenland sur la tête, enfin, jusqu’à l’arrivée de Gladys. Il est souvent accompagné de Monsieur Archibouleau avec ses gros muscles et du docteur Malik, nostalgique des côtes de Tipaza qui leur lit les Noces de monsieur Albert (Camus). Il y a aussi le Père Juillet, le cycliste et monsieur Maxence, qui a la maladie de l’homme de pierre, mais qui les fait voyager grâce à la météo marine. Marin évolue ainsi dans une atmosphère évoquant les Triplettes de Belleville. 
    
Marin va également découvrir le désir et le mauvais côté des adultes auprès de Mme Contini, la mère de Lisa.  Il va également être confronté à la maladie d’amour auprès de Lisa et à la mort par deux fois.  Une chose est sûre, Marin sera profondément changé à la fin de cet été 1976 et nous, profondément nostalgique au terme de la lecture du dernier roman d’Eric Fottorino. 


 Julie Lecanu


Eric Fottorino,  Le dos crawlé, Gallimard, Août 2011, 206 pages, 16,90 euros

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