Jean-Philippe Mégnin et "La patiente" : un livre court et intense qui se lit d’une traite !


"C’est dès le premier échange de regards que j’ai compris que ce ne serait pas une patiente ordinaire."

 

L’incipit donne le ton du nouveau roman de Jean-Philippe Mégnin. C’est bien à partir de ce premier échange de regards et des quelques mots prononcés lors d’un rendez-vous avec une patiente que Vincent, gynécologue, deviendra témoin de l’effondrement de sa propre vie. La patiente "non ordinaire" mettra définitivement un terme à la vie paisible et trop ordinaire de Vincent, le forçant à devenir spectateur d’une intrigue mêlant suspense et rebondissements.

Si la mystérieuse patiente, Camille, éveille en Vincent "un sentiment d’insécurité diffus mais palpable, comme une brume matinale", c’est un brouillard épais qu’elle répandra sur la vie de ce dernier. Une vie remplie de non-dits qu’on suivra, nous lecteur, jusqu’à ce que la vérité brutale éclate.

Bien que La Patiente soit "l’histoire d’une femme qui ne dit rien", celle-ci en a déjà trop dit. Trop pour éviter le pire.

 

"Et puis on a fini par se rendre compte que tout ça n'était pas rationnel. Qu'il y avait quelque chose. Un malaise. Un secret. Un cadavre dans le placard."

 

Autour d’un point neutre, Vincent, un homme d’apparence stable et douce, tout s’agite, s’enferme, explose. Et ce monde impulsif qui entoure le narrateur est le reflet du chaos intérieur qui l’agite.

Vincent est un homme qui n’ose pas prendre sa place dans le monde. Il ne s’impose pas, évite de brusquer son entourage, agit avec empathie et indulgence en toutes circonstances. Il a peur de blesser autrui et n’ose exprimer ce qu’il a réellement sur le cœur. Et quand bien même il y parvient, c’est toujours avec douceur et précaution qu’il bouscule les autres. Parfois, il étonne, pris par une soudaine audace mais, trop souvent, il s’efface.

 

"Son départ ressemblait à une fuite mais je n’ai rien dit."

 

Il laisse ses proches l’envahir, décider à sa place. De l’extérieur et en opposition avec les autres personnages, il semble linéaire, arrangeant, au caractère sans relief et à la voix sans variation, alors qu’autour de lui, les gens s’acharnent… jusqu’à commettre l’irréparable.

En réalité, Vincent est extrêmement sensible, doté d’une forte perception des choses. Il tente de ne rien laisser transparaître mais il est très vivant. Peut-être le plus vivant de tous. On aimerait le pousser à oser être, à oser se montrer.

 

"Je me suis levé.

Je ne m’étais jamais senti aussi pesant.

Je suis allé à la fenêtre et je l’ai ouverte. Le soir tombait sur la place ; la terrasse du café, à l’angle de la rue des Canettes, était noire de monde.

 

Je suis retourné m’asseoir vers elle, et j’ai tendu la main en direction de ma lampe de bureau. Elle a arrêté mon geste :

-          Non, non, laissez, c’est bien, comme ça…"

 

L’écriture de Jean-Philippe Mégnin surprend par sa simplicité, sa fluidité et son efficacité. A travers les yeux du narrateur empreints de douceur et de tendresse, l’auteur nous livre des histoires de vie pleines de souffrance.

La patiente connaît une véritable montée en crescendo. Bien que l’intrigue se mette tout de suite en place, il n’y a pas de véritable action dans ce livre : les personnages semblent errer, se questionner, douter. Les jours filent, le temps passe. Mais dans cette oisiveté et cette douceur ambiante, le lecteur est pris au dépourvu et l’histoire le tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Les personnages prennent forme petit à petit. Le texte s’incarne progressivement. Le tout devient de plus en plus habité et prend corps.

 

Impossible d’en dire plus sur ce livre très court, à l’intrigue parfaitement ficelé, où le doute s’installe dès la première phrase. Le risque de tout vous révéler est trop élevé !

 

Julia germillon

 

Jean-Philippe Mégnin, La Patiente, le Dilettante, août 2012, 160 pages, 15 euros

 

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