Herbert Huncke le coupable

Herbert Huncke apparient au deuxième cercle des écrivains de la Beat-Generation. Il n’a jamais eu la reconnaissance de Burroughs et des messianiques beat. Il est pourtant aussi subversif, errant, allumé qu’eux : mais peut-être plus dans sa vie (et la came dans la peau) que dans ses œuvres.

 

Est connu en France de l’auteur que  son « Coupable de tout » fiction autobiographique, roman du voleur. Ses carnets et poèmes n’ont encore jamais été traduits.


American gigolo gay dès son arrivée à New-York et morphinomane il est mort à 88 ans dans le dénuement et aidé par quelques amis. Sa vision tourne autour de souci de pratiquer par élimination systématique toute surcharge de style au profit de ricochets obsessionnels afin de préserver une résonance émotionnel de récits. Ses sujets parlent  directement de l'actualité, le rapprochement inévitable s'opère  avec la vie de l’auteur - même s’il a parfois le goût de parler d’autres vies sans outrances. Preuve que sa radicalité, son audace passent plus dans sa vie que dans ses textes. Ils deviennent néanmoins des raccourcis saisissants de la permanence d’une possible subversion à l'intérieur d'un système aussi bien huilé soit-il.

 

A ce titre Huncke renvoie à une sorte de premier temps de la métaphore : à savoir  "l’acte d’instauration du sujet" selon Lacan. Huncke aime implicitement à faire du lecteur lui-même un névrosé  qui n’aborde la jouissance de l’Autre qu’à se faire signifier phallus, comme objet complément d’un absent manquant dont il bouche provisoirement le manque. L’auteur dans ses textes se met néanmoins souvent à l’abri de  la conséquence de la perte  et de l’inexistence du monde « normal ». C’est habile mais pas forcément compréhensible d’emblée. C’est pourquoi avec N-J Woo on peut  parler à propos de tels textes de  « disapparition ».

 

L’écriture fait que le monde tel qu'il nous est donné à lire se met néanmoins à  "inconsister", à s’absenter. Le système signifiant de la représentation littéraire  traditionnelle devient une marge ou un hors-lieu que l’auteur ne fait cependant qu’effleurer le plus souvent. Mais  en créant un imaginaire qui s’accorde au réel de la jouissance, il l'écarte d'une jouissance du réel tel qu'habituellement elle est donnée à lire.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Herbert Huncke, « Dans le parc », « Dorothy », Derrière de Salle de Bains, Rouen, 10 € chacun.

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