Aftertaste, de Kyle M. Scott

L'Écossais Kyle M. Scott propose, avec Aftertaste ("arrière-goût"), un rafraîchissant roman de type splatterpunk, c'est-à-dire de gore, de trash bien étalés à la truelle. L'action se déroule dans une petite ville d'Amérique du Nord, on ne sait pas trop laquelle mais ceci n'est pas problématique car il suffit juste de comprendre qu'il s'agit d'une zone quelconque du heartland. L'intention est claire: cela pourrait arriver partout. (Encore qu'en France, ce ne soit pas certain, parce qu'avec la fameuse "exception culturelle" de ce pays... Bref.)

 

Un nouveau fast-food vient de s'implanter: quasiment toute la population s'y rend, désireuse de manger dans une chaîne qui a reconnu l'existence de sa commune paumée. Scott précise en passant que ce lieu de restauration rapide n'est pas une entreprise mais bien une chaîne. Cela peut donner une dimension supplémentaire à l'action qui s'ensuit (outre l'aspect stéréotypé du décor d'ensemble) même si le roman ne se déroule que dans cette bourgade.

 

La consommation de nourriture dans le fast-food produit immédiatement un changement d'attitude: les clients deviennent agressifs, luxurieux, puis carrément enragés. Des meurtres surviennent là où, jusqu'alors, tout respirait la concorde. C'est que la nourriture contient quelque chose qui fait remonter ce qu'il y a de plus ténébreux et violent chez tel ou tel consommateur.

 

C'est ainsi que le lecteur peut se délecter d'une tension grandissante débouchant bien vite sur des scènes de mort violente calibrée sur la personnalité de la victime en question: grosse gonzesse moche et stupide mais incandescente du croupion, vieil hippie suintant le LSD, etc. Réjouissante exposition qui consiste à démonter le bonheur de façade bien entretenu du patelin. À ce moment de ma lecture, je me suis demandé si tout de ce roman reposait sur une posture moralisatrice.

 

J'ai d'abord penché pour une explication de type complotiste: le contrôle d'une population par la nourriture dont on l'abreuve, avec force séduction pour être davantage sûr de son coup. L'information selon laquelle le fast-food considéré ne serait qu'un parmi une très célèbre chaîne ("Waldo's". Je n'ai pas besoin d'établir de comparaison phonétique.) a pu faire basculer mon jugement mais, en avançant dans le livre, j'ai découvert que l'explication de l'horreur locale (à défaut d'être éventuellement narrée, un jour, sur des territoires élargis) se basait sur un élément proprement (si j'ose dire) surnaturel. Sur l'instant, j'ai été un peu déçu car il m'a alors paru que: 1) cela avait l'inconvénient de mettre quelque peu à mal l'hypothèse complotiste que j'avais d'abord échafaudée, et que 2) le recours à une agence démoniaque conférait un ton trop accusé de farce adolescente à l'ensemble de l'œuvre.

 

Mais ce que j'écris n'engage que moi. Le récit se concentre sur quelques personnages qui vont tenter, dans un premier temps, de comprendre le mystère qui les cerne puis, très vite, de s'échapper de la nasse qu'est devenue la commune. Dans ce dédale, Scott conjugue assez habilement le sexe et la violence. Et puis, au bout du compte, j'ai découvert qu'un des fugitifs non contaminés se métamorphosait lui aussi en collaborateur de l'horreur.

 

Je suis donc reparti sur une intention moralisatrice de la part de l'auteur, à ceci près qu'il ne s'agit pas, pour ce dernier, de fustiger chez les protagonistes un écart par rapport à une norme économique (libéralisme) ou comportementale (vie sexuelle, orientations sexuelles variées) mais de montrer toute l'ampleur d'un désastre né d'une surdité de la conscience strictement individuelle face aux emballements charnels, au sens large, que le monde ne cesse de vouloir cultiver en nous, comme s'il s'agissait de loger dans les ventres l'intégralité de ce que nous sommes, afin de ne pas voir tout le reste. Aftertaste prouve à mes yeux que la débauche splatterpunk n'est pas gratuite (Je ne dis pas cela parce que l'auteur est écossais!) pour qui, des écrivains et des lecteurs, sait se servir de ses neurones.





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