"J'étais le spectateur aveugle de la mort de ma mère."

"J'étais le spectateur aveugle de la mort de ma mère."

 

Arnaud Genon a 39 ans, l'âge de sa mère quand elle meurt, alors qu'il n'en a que 13 et est marqué par son délitement progressif et la réduction petit à petit de son monde aux limites restreintes de son inéluctable immobilité dans le lit de souffrance où elle prend son oxygène et attend la mort, comme un soulagement à force de souffrance. Le monde alentour continue de vivre, puis devient cette attente même. La souffrance préparée, attendue, n'en est pas moins terrible, et le petit narrateur va se constituer son devenir-homme sur cette absence, cette disparition. C’est quand il a enfin l’âge de sa mère qu’il peut entreprendre ce douloureux retour sur cette période lente et douloureuse de la formation de son Moi avec des périodes de rémission, de joie, de regain de la douleur, sans jamais se départir d'une pesanteur sourde.

 

Le récit choisit un ton volontiers neutre, comme pour se protéger de toute l'émotion qui va cependant écraser le lecteur, gagne en gravité au fil des pages et met le lecteur dans une situation délicate, celui de découvrir petit à petit la destruction de l'enfance par la mort de la mère. 


Ce récit s'ouvre comme L'Etranger d'Albert Camus, par la mort de la mère, sans précautions. Mais le récit est l'exact inverse, il pose l'amour comme absolu et comme lien par delà le temps. Tu vivras toujours est plus qu'une prière, le constat de ce que l'homme devenu lui-même doit à la souffrance et à la beauté pour être devenu lui-même, c'est-à-dire porteur en continue de l'amour maternel.

 

Tu vivras toujours n’est pas un cri de désespoir ou de souffrance face à la mort de sa mère, c’est la longue plainte trop longtemps contenue qui expire avec le consentement, enfin, de l’homme mûr.

 

Loïc Di Stefano

 

Arnaud Genon, Tu vivras toujours, Rémanence, 76 pages, 10 eur

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